Poésie, accords, harmoniques
La poétesse Martine-Gabrielle Konorski signe Accords, un nouveau spectacle qui fait dialoguer les partitions du compositeur espagnol Federico Monpou avec ses propres poèmes: “J’ai rêvé des histoires aux couleurs de musique. Musique des paroles et poésie du clavier… »
Je suis convaincue que la dimension sonore de la poésie est essentielle, qu’elle est même à l’origine de son existence. La poésie est pour moi une nourriture à partager avec le plus grand nombre.
Spectacle d’une heure, interprété par Maud Rayer et la pianiste Marie-Pierre Brun, mis en espace par Coralie Pradet, celui-ci sera représenté au Théâtre Les Déchargeurs à Paris, lieu historiquement dédié à la poésie, du 9 au 13 janvier à 19h30.
« Danser avec les mots, en équilibre sur un fil », revenir au secret de la parole au coeur, sur les lèvres, quand le chant profond signe toute la présence de ces textes accompagnés, éclatants par leurs sonorités et ce piano magique, vertueux, silencieux et prodigue. Entre textes et musique tout un espace se révèle alors; se dessinent un horizon, des couleurs, des vies qui se croisent et plongent le spectateur au coeur d’une tension, que le piano rend fluide comme un cours d’eau, le temps se rebelle, se cabre et file, plus furieux, plus intense parce que plus essentiel, vers la ville où s’éteint le soir dans un rêve de sable. C’est aussi un retour sur l’amour, l’évocation symbolique de l’Autre, l’aimé, ces souvenirs qui “cogitent” et cognent ou éclairent, petites lumières qui s’éteignent, une à une, avec la disparition du jour. Quand le flux musical porte et emporte l’éclat somptueux de la voix, l’harmonie entre poésie et musique fait vivre à la fois le présent, le futur et le passé. Énonciations en quête de leur gravité, souffrances et joies en elles mêmes, vaste songe ou se résorbent les souvenirs et se peint la vie, intimités de l’Être évoquant avec cette mémoire discursive, aléatoire et secrète, tout son être là. Intensément poétique, la mise en scène est sobre, de cette sobriété heureuse de l’épure, quand le messager est devenu également le message.
Martine-Gabrielle Konorski s’explique sur cette nécessité de jeter des passerelles entre deux mondes, elle déclare : « dans le silence, d’où la Parole Première de la poésie est issue, paroles et sons ne font qu’un. Danser avec les mots, en équilibre sur un fil, me plait plus que tout. Entre la densité de la parole et la tension des notes, dans une pulsation qui frôle parfois la syncope, c’est la complexité du monde et de l’être que j’ai tenté d’exprimer. En créant Accords, j’ai voulu jeter des passerelles et donner, à entendre et à voir, une harmonie entre les mots que je porte et les notes de Federico Mompou, entre les mots de la poésie, les sons et les silences, entre les vivants et les morts, entre les cultures, entre mon travail et celui de la comédienne et de la pianiste, entre les interprètes et les spectateurs ». Accords invite à un moment de poésie et de musique où se déploie un imaginaire sans frontières, où mots et musique s’accordent, là où paroles et sons ne font qu’un, pour nous faire entendre une voix secrète, intérieure, audible de tous.
De fait, le texte se détache par l’émotion qui le double. La comédienne Maud Rayer, accompagnée par la pianiste Marie Pierre Brun, conjuguent un temps qui fuit, au devant d’elles mêmes, sorte de transe hypnotique où s’égrènent les temps différenciés, en un dialogue entre la musique du piano et le timbre de la voix, obsessionnellement à la recherche du son pur de l’émotion que portent les mots de l’auteure, incarnés par la comédienne, une perfection idéale.
On ne peut ici décemment trop dévoiler ce qu’il se passe sur cette scène. Je crois que c’est un spectacle terriblement sérieux, dramatique, vivant, tendre et intense, faisant jouer la langue et s’insinuant au profond de l’instant. L’empreinte d’une métaphysique s’y discerne.
C’est au théâtre Les Déchargeurs, haut lieu de l’engagement pour un théâtre de qualité, théâtre se rattachant au théâtre populaire et au partage, à l’engagement militant et démocratique, défenseur de la Poésie. Alors quoi, si vous n’aimez toujours pas la poésie, mordiou, allez boire un verre et revenez chercher compagnes ou compagnons…
Pascal Therme le 26/12/17
Accords de Martine-Gabrielle Konorski ->9/13/01/18
Théâtre Les Déchargeurs 3, rue des Déchargeurs 75001 Paris
En savoir plus : https://www.martinekonorskipoesie.com/mon-spectacle-accords/
Pascal Therme: Photographe professionnel de reportages, vit et travaille à Paris.