Robert Guédiguian, vivre en juste dans un monde dégueu !
Dans une calanque près de Marseille, au creux de l’hiver, Angèle, Joseph et Armand, se rassemblent autour de leur père vieillissant. C’est le moment pour eux de mesurer ce qu’ils ont conservé de l’idéal qu’il leur a transmis, du monde de fraternité qu’il avait bâti dans ce lieu magique, autour d’un restaurant ouvrier dont Armand, le fils ainé, continue de s’occuper. Lorsque de nouveaux arrivants venus de la mer vont bouleverser leurs réflexions…
Le monde vu des Calanques par Robert Guédiguian n'aura jamais la même saveur que vu d'ici à Paris. Pas qu'une question de lumière(s), plus d'une vision du monde à nulle autre pareille. Là où le réalisateur fait un drôle de bilan sur la quête d'une possible justice et de sa transmission au futur, des inconnus d'ailleurs débarquent et rebattent les cartes pour dire la même chose, mais autrement. Là où se situent les luttes d'aujourd'hui pour vivre dans un monde non imposé, mais décidé en commun. Pas par le haut de la macronie/anachronie régnante, mais en Tchékhov méridional avec un passé - qui joue particulièrement de ses précédentes œuvres et de sa troupe habituelle, aussi géniale qu'imparable : le trio Ascaride/Meylan/Darroussin.
Une œuvre sur le temps perdu qui se joue de son passé ( comment aurait-on pu faire mieux, autrement, avec qui et comment… ) et qui se pose des questions d'actualité sur comment vivre avec les exilés d'aujourd'hui, les délaissés de toutes les guerres dont personne ne veut. Et sur l'utopie passée de son resto ouvrier Guédiguian avance des pistes et laisse plein de portes ouvertes sur l’urgence du présent, à travers la découverte d’enfants réfugiés, tapis dans la nature, vient réveiller ce que peuvent être une conscience, le sens de la solidarité et l’esprit de groupe.
Que faire de ces enfants ? Que faire du resto ? Qui pour s’occuper du vieux père ? Partir ou rester ? Autant de questions qui émergent de ce récit choral, fluide, dont l’action est habilement relancée par plusieurs épisodes dramatiques. Les réponses apportées sont provisoires : une fois n’est pas coutume chez le cinéaste, la fin reste ouverte. Malgré la mélancolie ambiante, des espoirs subsistent : l’amour de l’art et de la poésie (on déclame du Claudel !). L’amour tout court… Et puis il y a la mer, ses dorades et ses poulpes qui nous rappellent que l’antique palpite encore… Tout n’est pas perdu. Un film wishing well de bon aloi dans une actualité trop bwana (cf. le Burkina Faso de Jupiler… )
Maxime Duchamps le 29/11/17
La Villa de Robert Guédiguian