Denis Bourges et ses Héros très habituels aux Oscars d'Hollywood
Usual Heroes est un projet de livre qui allie photographies et textes. Une rencontre entre les clichés de Denis Bourges et l’écriture de Monica Ratazzi. Une expérience réussie et nécessaire, en forme d’action sur Los Angeles: la ville-cinéma, où chacun peut prétendre à s’emparer du champ social et y jouer un rôle, ou, plus évidemment, jouer la partition de l’intimité amoureuse.
Acteurs donc, quand la vie des passants dans la rue est un scénario en herbe, où l’oeil de Denis Bourges, toujours alerte, capte cet interstice entre la fiction, issue d’un rêve éveillé et la présence du flux des passants; ces acteurs probables dans le chant du réel, nés de cette vie sous le soleil des passions, des ambitions. Que manque-t-il donc au quotidien pour faire de cette journée de cinéma quelque chose d'un petit peu plus excitant ?
Encore faudrait-il imaginer ce que cette improbable fiction occasionne de silences, de secrets, d’invisible. Denis Bourges se propose de l’imager, de la retenir, au souffle de la ville, dans l’interrogation des silhouettes traversant son champ visuel… Captant des situations assez fortes pour dire que ce lien n’est pas une hallucination ni même un fantasme, mais qu’il porte en lui l’occasion d’être singulier. Ainsi, tout au long de cette journée particulière, ces héros si communs sont-ls à la recherche d’une invitation, d’un amant, d’une entrée dans les grands studios, d’un souvenir d’enfance, d'une rançon ou d'un tribu payés contre la banalité des vies au quotidien. Banalités? pas si sûr, c‘est là qu'entre en jeu l’écriture de Monica Ratazzi avec de petits textes aussi immédiats qu'issus de la vie.
Il en va d’un secret et d’une trace, sécrétée par les lieux, la lumière, l’écoute de la légende du cinéma. Aux sources des sensations, des senteurs, de la puissance des soleils, des corps qui filent, tels des météorites vers d’improbables rendez-vous. Et qui passent là, devant lui, dans le secret avoué et ouvert de ces vies inconnues, mais respirées, entrevues, entr'aperçues, laissant le photographe en alerte, ému, en éveil au poudroiement que laissent ces anges inconnus dans leur sillage.
Ensuite, le texte vient merveilleusement allumer ces feux de paille qui, soudain éclairent cette nuit en plein jour, en projetant dialogues et récits. Mus par l’horloge où s’inscrivent les heures, chronomètre nécessaire à la ponctuation de ce temps fluide, presque liquide: lumières des météores, étoiles filant vers d’autres cieux. A chaque récit est porté cette heure, sorte de signature du temps, décompte à rebours se posant pour et contre une mémoire qui délie la fiction du fantasme pour en inscrire la pleine puissance, la lente déclivité, comme la portée certaine. Car, au fond, à quoi voulons-nous croire, quand un ange passe?
Ces corps qui filent vers on ne sait où ou quoi, ces passants happés par le soleil, à la dérive, probablement agent de change, starlette, producteur, livreur, secrétaire, en pleine course ou assis à la terrasse d’un dinner, sous le bleu du ciel californien, théâtre et studio à ciel ouvert. Il se joue là, dans la Cité des Anges, comme un rappel lointain aux Chandler, Hammett, Ellroy, Fante, Fitzgerald ou Faulkner, tous écrivains de l’amour et de la haine, fauchés, désespérés ou plein de vie et d’entrain, faisant la fête, clochards célestes à la Kerouac, héros sortis des films noirs, barons des studios, étendant leurs emprises sur les hordes de jeunes comédiens, scénaristes, acteurs borderline, serveuses et personnels techniques, décorateurs, journalistes, chauffeurs … Scandales à répétitions éclatants dans les pages du Los Angeles Times, où un big Boss est soudain accusé de viols…. Usual Suspects / Usual Heroes
Et pourtant, dans la rue tout est clair en lumière du jour; ce en quoi le texte habite ces passantes en leur donnant une vie, en plongeant le lecteur, plus que jamais complice, en plein “dream”, en plein texte. La ville-cinéma est en quelque sorte ce personnage central, présent dans ce flux tangible où cohabite le quotidien et ce qui le traverse; une ville suscitant à la fois l’imaginaire, la fiction et… le cinéma. Coupez !
Malheureusement tout cela n’est encore qu’au stade du projet, Le crowdfunding se termine le 22 novembre et nos héros n’ont reçu que les deux tiers du financement. Alors feu! N’hésitez pas, soyez-en les dignes acteurs et parrains attentifs à la naissance du livre.
Pascal Therme le 20/11/17
Usual Heroes (projet d’édition) / Denis Bourges, Monica Ratazzi, Les éditions de Juillet
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Pour en savoir plus sur Denis Bourges chez Tendance Floue, son FB ici et son Instagram là
Pascal Therme vit et travaille à Paris. Il y conçoit ses reportages sur les expositions et la mode.