Passage miraculeux en 69 titres à travers l'Hüsker Dü son

Roger Macron et Christophe Collomb connaissent-ils Hüsker Dü ? La question mérite d'être posée, même si pour le second à prendre à compte, il ne faudrait pas qu'à chaque parole énoncée, voire diktat prononcé, il veuille nous donner l'impression de (nous faire) découvrir l'Amérique.

On croyait avoir tout lu et dit sur le trio de Minneapolis, comprenant deux des meilleurs compositeurs des années 70 et 80 ( Bob Mould et Grant Hart) qui ont surfé sur les crêtes du punk-noise-hardcore au long de leur carrière. A un bémol près, le producteur Spot de SST était un mauvais et n'a jamais rendu compte des efforts du groupe sur disque. La raison pour laquelle Numero Group ressort un coffret de 69 titres pour redonner le son du groupe en plein envol. Sauvage et indispensable. Au fait, Jupiler, c'est juste le nom d'une bière belge. Une fois! 

Aucun punk ne saurait vivre sans le catalogue du trio. Et à l'exception des Bad Brains, aucun groupe hardcore des 80's ne jouait plus vite ni plus fort. Sauf qu'Hüsker Dü avait plus de bonnes chansons et que le hardcore n'était que le premier pas du groupe;  qui allait ensuite se balader de pop en folk, pour explorer aussi le psyché - mais tout cela passé au hachoir…  

Relocalisé à Minneapolis, le groupe allait, avec les Replacements et Prince, donner le la d'une ville un peu bruyante et un rien sauvage. Début novembre,  Numero Group ressort remastérisé de frais un triple CD intitulé Savage Young Dü avec un "petit" livret de 144 pages écrit par Eric Osman qui narre par le menu, tous les efforts du groupe précédant sa signature sur SST. Et il y a du matos… la première configuration faisait plus de 100 titres, aujourd'hui réduite à 69.

Savage Young Dü ressort enfin le back catalogue disparu depuis des lustres et trouvable uniquement sous forme de copies de copies à base 7-inches , de “Statues”/”Amusement” au“In a Free Land” de 1982’s ; des remastérisations de Everything Falls Apart de Land Speed Record ; ainsi qu'une planquée de démos, alternate takes, et nombre version live de titres jamais sortis; le son est d'enfer- aussi fort que clair …   

La compilation est le résultat de 7 ans d'efforts et de deal avec l'ex-guitariste de Black Flag, Greg Ginn, assez connu dans le milieu pour "négliger" de payer les royalties des groupes - et sous une montagne de procès pour cette raison; comme de fouilles pour retrouver les bandes et des copies propres, dans la collection de Terry Katzman, ancien ingénieur du son du groupe et co-fondateur avec Bob Mould de Reflex Records sur lequel était sorti Statues et Everything Falls Apart. Katzman ayant tout gardé des agissements du groupe. Il débarqua finalement chez Numero à Chicago avec 130 titres sur bande en juin 2016 qui confia les bandes au Electrical Studio de Steve Albini qui nettoya proprement les enregistrements originaux qui y trouvèrent enfin ce qui leur manquait par manque d'argent sur la production d'origine : un son parfait et une clarté inédite.

Finalement le producteur voulut descendre sous la barre de trois heures d'enregistrement et le nombre de titres fondit à 69 après un tri ultra- sévère des bandes (allô prochaine compile à venir ?) Le bon frisson de Savage Young Dü est vraiment d'entendre au fil des titres, le groupe se construire en tâtonnant et tenter, coûte que coûte de transformer leur frustration du monde qui les entoure en un discours méthodique bruitiste, quasi en temps réel. Le premier album, super touche à tout, moque méchant les Beach Boys sur “Can’t See You Anymore” (qui rime assez bien avec“It’s not ’cause I think you’re a whore”) ou regarde franchement du côté de PiL avec “Statues.” Mais le son prend forme assez vite pour que tout soit intéressant.

"En réécoutant cela pour la première fois depuis vingt ans", le bassiste Greg Norton déclare : " je découvre soudain l'importance de ce que l'on faisait à l'époque. Bien sûr, tout le monde jouait du punk dans son garage, mais le potentiel d'Hüsker Dü était carrément cent coudées au-dessus du lot." 

On vous rappelle juste que de reformation il n'y aura pas, puisque Grant Hart, batteur, compositeur et chanteur est décédé d'un cancer à 56 ans le 14 septembre dernier. Te souviens-tu ? 

Jean-Pierre Simard le 25/10/17

Savage Young Dü - Hüsker Dü - Numero Group Records