Catherine Balet relit les maîtres de l'histoire de la photo

Tout a commencé en 2013, un certain matin d'été en Arles pendant les Rencontres Photographiques avec Ricardo Martinez, jeune dandy de 76 printemps dont la ressemblance avec Picasso intrigue. Attablé devant des petits pains, il arbore ce jour-là une marinière et affiche un air quelque peu envapé. Catherine Balet le fixe et title sur la ressemblance avec le portrait de Picasso par Doisneau. Immortalisant de suite ce moment, elle s'engouffre dans deux ans et demi de travail acharné qui conduira les deux compères à revisiter toue l'histoire de la photographie, du premier autoportrait de Robert Cornelius en 1938 aux actuels selfies.  

Catherine Balet, fascinée par la révolution numérique cherche à en saisir les arcanes en plongeant dans l'Histoire de l'art. Sa précédente série " Strangers in the Light" se réappropriait les maîtres de la peinture, de l'Olympia de Manet à La Mort de Marat de David, en mettant le téléphone portable et le clair-obscur engendré par celui-ci, au cœur de ses compositions. En réinterprétant cette fois-ci 120 photograph(i)es emblématiques avec Ricardo, sa muse aux chaussures dorées, Catherine Balet s'est attelée à un vibrant hommage aux maîtres, de Man Ray à Martin Parr pour mieux comprendre les méthodes et tendances de la photographie.  

Pour Thierry Grillet, directeur des affaires culturelles de la BNF : "Catherine Balet choisit pour franchir le gouffre numérique qui nous sépare de la société d'avant, de faire de l'héritage et du testament une seule et même chose. En quelque sorte, de composer un corpus de références, mais transmis sans révérence excessive et ouvert à toutes les appropriations."

Cet hommage prend ses racines dans une réflexion fondamentale sur le sens de la représentation de soi, puisée dans la réalité des autres, et sur l'appropriation à grande échelle des images via Internet. Mais aussi, celle de retranscrire une réalité contemporaine en créant des correspondances avec les œuvres du passé, et ainsi interroger dans sa globalité la notion de mémoire. Quelle est la place de la mémoire quand l’évolution foudroyante de la technologie numérique et la suprématie de la photographie au smartphone bouleversent le temps ?


A l’heure où la circulation de l’image s’est accélérée, celle-ci n’est-elle pas qu’illusion d’image, reproductible à l’infini jusqu’à perdre toute trace de sa source ? 

Cette sensation de profusion et de frustration invite à réfléchir sur la durée de vie de l’image quelque part entre le fugitif et l’intemporel, entre le visionnage immodéré et l’archivage aléatoire. Et Catherine Balet d’ajouter : « Cela éveilla chez moi le désir de retrouver chez les Maîtres, l’essence de la photographie et ce qui faisait qu’une photo devenait iconique. Dans la profusion d'image et le flux permanent de l'ère numérique, comment les nouvelles images pourront-elles s'inscrire dans la mémoire collective ? »

Pour Thierry Bigaignon, ce travail particulièrement intéressant s'inscrit dans une réflexions profonde et légitime : "Que ce soit Ellen Kooi, Alex Prager, Tom Hunter ou plus récemment Sandro Miller, nombreux sont les artistes qui ont, à un moment donné, rendu hommage à leurs pairs, mais jamais un artiste n’avait couvert un spectre aussi large que Catherine Balet. Son approche anthropologique, la rigueur et la précision dont elle fait preuve, tout comme la tendresse et l’humour qui se dégagent
de ce travail, font de cette exposition un must absolu pour tout amateur de photographie».

L'exposition présente une sélection de 28 images tirées du livre qui en contient 120, "Looking for the Masters with Ricardo's Golden Shoes" (Editions Dewi Lewis). Signature le 24/09/16 de 15 à 19h où une édition collector de 150 exemplaires avec un tirage sera proposée.