Divagations remises en ordre, les "Undone Sketches" de Peter Martensen

Nos vies, nos pensées, nos rêves prennent souvent  la forme de traces écrites… Tiroirs et autres rangements en sont emplis. Sans parler des tentatives, voire des impossibilités… La confrontation avec une réalité qui se heurte à un temps dont on manque toujours. Chez Peter Martensen les idées se cumulent, s’oublient, tout comme les sagesses ignorées, les projets piétinés et les vérités trop vraies, mais les carnets perdurent… base de travail dévoyée.

Peter Martensen s’attaque à tous ces cahiers, carnets et feuilles volantes — y compris les siens — de façon fort concrète : il s’est mis à les peindre et à les dessiner au point d’en faire des paysages, des accumulations sans fin. Dans ses compositions l’être humain est parfois présenté à l’échelle des livres et des carnets, il a parfois la taille d’un géant ou celle d’un lilliputien. Et ceci se noue au fil de trois thématiques…

Les spécialistes (hommes en blouse blanche) qui peuplent ses œuvress’affairent plus que jamais : ramassant les feuilles volantes, déambulant dans l’eau, portant leurs pairs ou inspectant de petits êtres tout de blanc vêtu, s’ils ne tournent pas dans le paysage solidement armés. Dans The Crystal ball party des hommes en costumes noirs et chemises blanches dont la plupart portent une boule de cristal se retrouvent dans une mer d’écume où pointent ici et là les arbustes d’un jardin baroque. Trois femmes minuscules en blouses blanches observent l’ensemble alors que deux hommes, sacs au dos, traversent en diagonale vers des directions opposées. Quo vadis ? Est-ce que les boules donneront des réponses ? Leurs porteurs les tiennent comme un accessoire quelconque.

Et tout un coup - Pause - le temps s’arrête ; une tête de femme, du vingt-et-unième ou du dix-neuvième siècle vue de profil est présentée moitié dans l’ombre, le visage éclairé par une lumière forte — des insectes dansant autour. Ses yeux fermés confèrent calme et concentration : l’être et son intériorité.

Navigation et déplacements subtils, l’invraisemblable et l’irréel sont les outils de Peter Martensen au même titre que l’exploitation des capacités particulières de la matière. Avec Undone Sketches l’artiste s’attaque à un sujet nouveau tout en restant fidèle à sa douce transgression dont l’humour, la poésie et le pathos servent le questionnement et la mise à nu des conventions et visions ancrées. Décalée et d’une actualité frappante, son œuvre touche par son acuité non démonstrative : bienvenue à bord de la grande barque Martensen dont le trajet infini navigue entre contrées que l’on croit connaître et horizons périlleux où clairvoyance et avarie guettent le voyageur. Attachez vos ceintures !