Avec Bernard Fèvre, le futur ne date pas d'hier …
Roitelet méconnu du grand public de la musique au mètre réunis, tel fut le Bernard Fèvre des années 70. Mais pour les collectionneurs, il en allait tout autrement, tant il poussait l’exercice vers la qualité, en donnant ses lettres de noblesse au genre rejoignant les découvertes d’un Michel Magne ou François de Roubaix, ses contemporains. Revue de genre.
Alors que la radio des années 70 adorait les passages instrumentaux pour parler dessus et raconter n’importe quoi, il était bon d’avoir des albums de musique au mètre qui traînaient au bord de la console pour mettre ne valeur autre chose que du bruit blanc entre deux voix… Mais pas seulement en fait, il en allait de même pour les films industriels, les pubs ou le montage des infos. Et il est hilarant de voir que les genres importaient peu, jusqu’au trip-hop des années 90 qui remit en selle des genres disparus comme la lounge music ou permit à des musiciens comme Howie B, jusque là cantonnés à la Library music, de se faire un nom avec leurs propres compositions. Puis ensuite qu’Aphex Twin et les Chemical Brothers l’ont samplé … On ajoutera que, depuis la plongée du marché du disque, tout groupe musical rêve de se voir accroché à la moindre pub de marque pour y gagner un max. Il existe même une branche des labels de musique spécialisée dans cet usage qui utilise justement les fonds de catalogue, pour ce faire … L’histoire bouclerait-elle - et pas qu’en 33 tours ?
C’est ainsi que Kirk Degiorgio et Mark Melton du label Sound Obsession viennent de republier les trois albums concernant la période 1975/1977 du compositeur français Bernard Fèvre, orfèvre en la matière, compositeur ( de pub) aussi peu prolixe que maniaque sur la qualité de ses production. On se demande même s’il n’a pas aboli la frontière entre simple composition et musique au mètre de commande .
Suspense datant de 1975 s’intéresse aux registres du polar, de l’espionnage et du thriller et utilise à ce propos aussi bien les synthés vintage que les claviers funky de l’époque sur fond de percussions analogiques. Un travail qui ne déparerait aucun polar de Melville ou ou Giovanni…
The Strange World of Bernard Fèvre, aussi de 1975 offre des climats plus variés toujours à base des mêmes synthés et de drums machines- une musique définie ainsi par son compositeur à Hertzine : « Ma musique est descriptive car en réalité je joue les images qui me passent dans la tête au moment où je compose. La chimie fait que grâce aux synthés qui ont des sont riches et variés ces images se transforment en sentiments. La musique insuffle des vibrations qui sont autant corporelles qu’intellectuelles c’est elle, la musique, qui m’a rendu à peu près équilibré. En danse et en pensée. »
Le Cosmos 2043 de 1977 s’avère être un concept album à l’époque futuriste de Star Wars qui navigue d’une plage à l’autre entre musique cosmique et krautrock du plus bel effet qui, à l’époque, avait été reçu ainsi par les professionnels du disque : « ls ont réagit en disant que c’était une musique insensée, choquante qui n’avait aucun avenir… De tout temps il y a eu de « vieux pseudo-professionnels » qui jugent la musique qui arrive sur leur bureau. Il faut donc que ça corresponde à leur culture, qui en générale s’est arrêtée à leur vingt-cinq ans. Ils disent principalement après écoute: «Je ne vois Pas… » Alors que l’artiste lui écoute évolue et voit toute sa vie. »
Le plus beau de l’histoire est que Fèvre continue à composer et se voit souvent invité à des festivals techno où avec son Black Disco Club ( lui-même et son laptop) pour y trouver un succès équivalent à celui de Jean-Jacques (E.V.A.) Perrey les années précédentes : « Partout où je vais dans le monde, le public – dorénavant plus jeune qu’il y a neuf ans – , est heureux de m’applaudir, même parfois de m’ovationner. Beaucoup de Français sont contents aujourd’hui de me découvrir quand on m’invite. Il faut dire, qu’on m’ignore super bien dans mon pays. Mon public ressemble beaucoup à tout ces jeunes qui font partie d’un nouveau monde qui cherche… Un nouveau monde ! C’est là où on se rejoint. »
Suspense, The Strange world of Bernard Fèvre et Cosmos 2043 de Bernard Fèvre, label Sound Obsession 2016