Tendance floue dans la peinture avec Johannes Kahrs
« Si l’on devait s’en remettre à une pratique artistique qui soit de la pure création à partir de rien, l’art deviendrait vite ennuyeux ».
Johannes Kahrs s’inscrit dans un mouvement qui, aux côtés d’Andy Warhol, Martin Kippenberger ou Elizabeth Peyton poursuit l’utilisation de la photographie par la peinture, tant dans la technique que dans l’esthétique.
Son travail de l’image est caractérisé par un jeu de retranscription picturale à partir de clichés, séquences vidéo, coupures de presse, d’archives, en utilisant la multiplicité des supports numériques contemporains. L’artiste manie différentes techniques, de la peinture à l’huile au fusain, tout en progressant dans une atmosphère nébuleuse dont l’obscurité, graphique et sensitive, s’empare de l’œuvre. Les proportions sont variées mais imposantes pour la majorité, écho discutable au format cinématographique.
Et c’est dans cet espace temporel instable que le spectateur se retrouve voyeur, placé comme le curieux témoin de scènes passées, dérobées pour certaines de l’intimité. Le flou des contours – à l’instar de Gerhard Richter – ou le cadrage des situations, empêche toutefois une stricte copie de la réalité et la transporte dans une prospérité exaltée. Mais, passé l’éblouissement vient cette interpellation: l’artiste dans son rapport à la mémoire permettrait un arrêt intemporel sur des images vouées à l’anonymat, dans l’intervalle éveillé d’une société d’abondance. Son œuvre s’inscrit donc néanmoins dans une forme d’exercice dont les contours placent le partage de l’image à la lisière d’une redéfinition de la création.
En isolant son sujet et en éliminant tous les détails qui participent du contexte de l’image d’origine, Johannes Kahrs rend vaine toute tentative d’en connaître la source première. Ainsi libérée de ses origines, l’image revêt alors un caractère universel, ce qui lui confère une véritable puissance évocatrice susceptible de résonner en chacun.