La Chine en débordement identitaire de Patrick Zachmann
En grand témoin reporter, Patrick Zachmann a assisté à Tian'anmen et en est reparti bouleversé. Revenu plus tard, il a découvert une autre chine, celle de l’expansion et de la richesse pour certains. Célébration d’un choc culturel en mouvement, cette exposition est remarquable.
Cela fait plus de trente ans que Patrick Zachmann parcourt la Chine qu’il a découvre en 1982 avec le cinéma. Des triades de Hong Kong dans les années 1980, à la transformation de Pékin, en passant par Tian’anmen, le tremblement de terre du Sichuan et l’exposition universelle de Shanghai, l’exposition rassemble plus de 100 photographies noir & blanc et couleur, mêlant la petite et la grande histoire dans un pays en pleine mutation.
Le fil rouge de ce travail est la question de l’identité qui devient pour les nouvelles générations, en perte de repères, un enjeu essentiel. En plus de ces photographies, plusieurs vidéos rythment et complètent ce cheminement à travers la Chine.
À partir de 2001, la Chine de Patrick Zachmann passe à la couleur. La série Impressions de nuit montre un pays qui est passé du costume de Mao aux couleurs vives, extravagantes et audacieuses qui montrent faux-semblants et envers du décor. En témoin de la complexité des formes qui bouleversent les identités individuelles et collectives de la Chine contemporaine ; et entre les images de façades qui caractérisent le pays – décors urbains, pouvoir des apparences, univers artificiel de la nuit – se glissent des existences dures et incertaines, comme celles de ces mingong, paysans pauvres venus fuir la misère et chercher du travail dans les grandes villes.
Véritables esclaves qui construisent la Chine de demain, ils sont près de deux cents millions à trimer pour un salaire de misère et ne rentrent au village qu’une fois par an, durant la semaine du nouvel an chinois.
Avec la série Retour à Wenzhou, Zachmann montre les mutations profondes de l’espace urbain. Le mouvement d’immigration s’est presque inversé. Les candidats à l’exil se font plus rares et de nombreux Chinois reviennent au pays : les chances de s’enrichir sont plus grandes aujourd’hui à Wenzhou que dans un atelier clandestin en France. Enfin, ses portraits transgénérationnels ont pour ambition de montrer le choc culturel à l’intérieur des familles dans un pays où l’histoire s’est accélérée à une vitesse vertigineuse.
Les vidéos rythment en fond sonore toute l’exposition et les spectateurs assistent à l’agonie de la révolte manquée et du massacre des années 80 de la jeunesse chinoise. Les avant et les après sont remarquables et les clichés présentées symbolisent vraiment ce basculement qui aurait pu rendre la Chine démocratique et le désespoir qui en résulte encore. Un superbe travail au ras des gens et de leurs illusions/désillusions manifestes.
Patrick Zachmann So long, China (1982-2015)
MEP -> 05/06/16 7, rue de Foucry 75004 Paris
D’autres oeuvres sont également présentées dans deux expositions parisiennes : « Extérieur Nuit 1982 – 1992″ au Musée du quai Branly (37 Quai Branly, 75007 Paris), jusqu’au 17 juin 2016 ; et « A Hauteur d’Hommes » à la Fondation EDF (6, rue Recamier 75007 Paris) jusqu’au 21 avril 2016.