Miles Davis Ahead
"Mec, n'appelle pas ça du jazz, dis plutôt musique sociale…" Avec son biopic qui s'affranchit des convenances pour chercher Miles derrière l'image statufiée de Davis, Don Cheadle vient de réussir un grand coup de cinéma : remettre Miles sur la carte en jetant le politiquement correct à la benne à ordures. Lui qui a obtenu le rôle avant même qu'il sache qu'il avait été envisagé.
En 2006, quand Miles a été, à titre posthume, intronisé au Rock and Roll Hall of Fame, Vince Wilburn le neveu de Miles, annonçait déjà à la presse que Cheadle était l'homme de la situation, apte à jouer le génie du jazz. ”Je n'ai pas eu à chercher à m'imposer pour obtenir le rôle, Vince a décidé qu'il en était ainsi. C'était sans appel, je devrais jouer son oncle. "
Il aura quand même fallu dix ans pour que le projet se monte, grâce à un crowdfunding de 350 000$ lancé en 2013, et que les choses se mettent en place. Entre temps, Cheadle, acteur, producteur délégué et producteur a été quelque peu occupé à travailler sur des projets - raté - comme l'adaptation avec Matthew Mc Caunaughey d'un roman d'Elmore Leonard, Tishomingo Blues, ou en gagnant successivement un oscar pour son rôle dansHotel Rwanda ou en participant à la série House of Lies, rôle pour lequel il a aussi récupéré une statuette… Mais avant cela, il figurait déjà au générique du Colors de Dennis Hopper ou dans plusieurs Steven Soderbergh, dont le cool boy d'Ocean 12. On le connaît comme défenseur des la cause des afro-américains à laquelle il participe en organisant des tournois de poker, dont il reverse les bénéfices aux organismes qu'il juge digne de recevoir des fonds.
Miles Ahead est sa première réalisation, un film qu'il a dirigé car il ne se sentait pas d'expliquer à quiconque sa vison de Miles qu'il avait déjà story boardée dans sa tête … s'avère un biopic qui n'a rien d'ordinaire, basé sur le parallèle entre Miles en 1979 à la fin de sa période de silence, ces cinq années durant lesquelles il n'a ni joué ni enregistré, et les 10 ans durant lesquels il vit avec Frances Taylor ( Davis) muse de l'époque interprêtée par Emayatzy Corinealdi. Pour les besoins du film, Cheadle, déjà saxophoniste et amateur de Miles depuis son enfance, via ses parents fan de jazz, a appris la trompette, quand bien même ce seront les enregistrements de Miles qui seront utilisés pour la bande-son.
Le scénario est adapté du dernier livre (intéressant) paru sur Miles et rédigé par un journaliste de Rolling Stone, devenu par la suite son ami. Le journaliste en question est interprété par Ewan McGregor et Don Cheadle est sidérant de justesse, s'étant accaparé la voix graveleuse de Miles et ses manières naturelles de mac façon Iceberg Slim, une figure récurrente de la culture black us, le même comportement atrabilaire qu'on trouvait déjà dans le récit de la vie de Charles Mingus ( Moins qu'un chien) ; celui d'un type cultivé et éveillé, d'une intelligence au dessus de la moyenne, toujours prêt au combat pour lutter contre le racisme et la connerie ambiante. L'univers déployé est plus proche de celui de Spike Lee que de Melvin van Peebles, mais ça flingue, ça jure, ça joue bien et ça délire sec. Sorti à New York il y a quelques jours ; le film débarque en France.