Ghyslain Bertholon et ses animaux d'humains

S'il expose des vanités quelque peu contrariées et des trochés, Ghyslain Bertholon reste narquois mais philosophe. Que se passe-t-il à l'envers de l'envers ?

Bertholon / Troché renard

Bertholon / Troché renard

Un zèbre et deux wallabies affichent à nos faces leurs queues, pattes et postérieurs. Si la forme et l’effet sont désopilants mais à y penser de plus près, ils ont peur et veulent sauver leur peau. S’échapper, se dérober, ils cherchent à s’extraire, entrer dans un trou, faire l’autruche ou essayent de se cacher, se camoufler comme les caméléons. Il y a un peu de La Fontaine chez Ghyslain Bertholon qui a choisi la figure animale pour se moquer, sérieusement mais avec le sourire, des hommes, épingler au mur et à nos yeux, les peurs, les violences, les contradictions d’un monde en sursis. Ses fameux Trochés, présents dans son travail depuis 2003 — lièvres, lapins, souris, vaches, sangliers, lions, kangourous… —, sont les facétieux et tristes trophées d’une humanité qui s’égare dans ses absurdités et ses sauvageries.

Bertholon / Troché lapin

Bertholon / Troché lapin

Bertholon est engagé, politique et philosophique, il est générateur de pensée. Il sonde le vivant, l’instinct, la conscience, la raison, questionne le statut de la nature, de l’animal et de l’homme, les rapports de domination du dernier sur son environnement et sur lui-même, et n’a de cesse de fixer, en sculptures, dessins, installations, par des chocs plastiques et des éclats caustiques, dans ses titres et sous titres même (contrepèterie, jeux de mots, calambour), nos vanités contemporaines. Au revers de leur drôlerie, ses œuvres soufflent, embusquées, quelques interrogations profondes : Où allons nous ? Que va-t-on laisser ? Jusqu’où peut-on tordre, plier la nature ? Notre humanité est-elle en train de disparaître ?

Dans Revenge ! You’re innocent when you dream, les obsessions de Ghyslain sont là, présentes dans des formes devenues signes, style, sa signature — crânes, taxidermies, fusils ou flingues. Il y a une « patte » Bertholon. Immédiatement reconnaissables, invitations à la réplique, à la résurgence, ses pièces possèdent un langage commun et fonctionnent comme un ciment, un lien, une fraternité. Bien qu’autonomes, elles font aussi partie d’un tout, d’un territoire esthétique, d’une histoire, témoins d’une société qui part à vau-l’eau.

Bertholon - Vanitas

Bertholon - Vanitas

Ghyslain Bertholon :  Revenge ! You’re innocent when you dream