Moderne désenchantement entre Los Angeles et Paris

Et je te montrerai quelque chose qui n'est Ni ton ombre au matin marchant derrière toi. Ni ton ombre le soir surgie à ta rencontre ; Je te montrerai ton effroi dans une poignée de poussière.  The Waste Land (T.S Eliot)

Les œuvres de quatorze artistes notoires de la scène artistique de Los Angeles, sont réunies dans l'exposition collective Wasteland, New Art from Los Angeles. L'exposition se déploie sur deux espaces, le Mona Bismarck American Center à Paris et la Galerie Thaddaeus Ropac à Pantin. Une ubiquité conçue comme une contrainte et une force de production pour les artistes. Chacun d'eux s'est en effet vu demander de réaliser une nouvelle œuvre ou de retravailler des œuvres préexistantes, afin de créer un dialogue unique entre les galeries, en même temps qu'entre Paris et Los Angeles. Dans cet esprit, l'exposition a été envisagée comme une opportunité de faire dialoguer les œuvres avec leur environnement.

Analia Saban, Draped Marble, 2014. Bois, marbre. 83,8 x 91,4 x 49,5 cmCourtesy de l’artiste et Sprüth Magers

Analia SabanDraped Marble, 2014. Bois, marbre. 83,8 x 91,4 x 49,5 cm
Courtesy de l’artiste et Sprüth Magers

De techniques et de natures diverses, les artistes du Wasteland, qui ont en commun de vivre et travailler à Los Angeles, emploient des approches et des matériaux variés au sein de leurs œuvres, dans une sorte de "pratique élargie" où tous les aspects de leur travail revêtent une égale importance.

Poème fondateur de la modernité, The Waste Land (La Terre vaine) de T.S. Eliot, écrit en 1921, fournit la thématique entre les quatorze artistes, dont les œuvres sontinfluencées par Los Angeles. Eliot a publié son poème en 1922, dans une période présentant des similitudes troublantes avec la notre époque, notamment par son désenchantement aussi politique et culturel qu’individuel. L'exposition provoque des rencontres multidimensionnelles entre la poétique du désespoir, la quête de liens authentiques, la précarité de la morale et l'incertitude de l'avenir pourtant inéluctable. Au delà de cette référence littéraire, le titre Wasteland s’appuie sur certaines images d'un futur post-apocalyptique et post-humain que l'on doit en grande partie aux productions visuelles d'Hollywood.

A provoquer des rencontres, aussi intenses que multidimensionnelles, entre la poétique du désespoir, la quête de liens authentiques, la précarité de la morale et l’incertitude de l’avenir pourtant inéluctable, l'exposition secoue à juste titre. Et puisqu’avril est le plus cruel des mois, -  premier vers du poème- c’est sans doute pour cela qu'elle débute en mars … La mansuétude, peut-être ? Ou bien, une résonance avec ces autres vers de fin d'hiver : Ce cadavre que tu plantas l'année dernière dans ton jardin, As-tu déjà levé ? Va-t-il pas fleurir cette année ? Ou si la gelée blanche a dérangé sa couche ? A vouloir se rassurer en se disant que la modernité, c'est déjà l'histoire du siècle passé…

Clarisse Gorokhoff
 

Amanda Ross-Ho, World Map Dropcloth, 2016 Impression sur toile, peinture acrylique, techniques mixtes — 393,7 × 259,1 cm Courtesy of the artist & Galerie Praz-Delavallade, Paris/Bruxelles

Amanda Ross-Ho, World Map Dropcloth, 2016 Impression sur toile, peinture acrylique, techniques mixtes — 393,7 × 259,1 cm Courtesy of the artist & Galerie Praz-Delavallade, Paris/Bruxelles

Wasteland, New Art from Los Angeles, expo collective-> 17 juil. 2016
avec Edgar Arceneaux, Lisa Anne Auerbach, Math Bass,  Mark Bradford,  Sam Falls, Daniel Joseph Martinez, Jonathan Pylypchuk, Fay Ray, Ry Rocklen, Amanda Ross-Ho
Galerie Thaddaeus Ropac de Pantin - 69, avenue du Général Leclerc, 93500 Pantin
Mona Bismarck American Center - 34, avenue de New York, 75116 Paris