Ahmed Malek, le cousin d'Alger d'Ennio Moricone

Le label Habibi Funk dévoile les merveilles musicales d'Ahmed Malek, chef d'orchestre de la radio-télévision algérienne, et grand compositeur de musiques de film. 

C'est une recomposition de pièces détachées d'oeuvres d'Ahmed Malek qui est aujourd'hui présentée par Habibi Funk dans "Musique Originale De Films". Pour retrouver les fragments de la carrière de Malek, il aura fallu un enchaînement d'événements impromptus dans la vie de Jannis Stürtz, le boss du label, qui a retrouvé la fille du compositeur, détentrice de tous ces artefacts délaissés :

Je me souviens encore de la première fois où j’ai entendu Ahmed Malek. C’était en 2012 et à cette époque je n’en savais pas beaucoup sur la musique arabe mais je m’apprêtais à quitter Berlin pour quelques semaines en Tunisie. Je travaillais à ce moment-là en tant que chef de projet et directeur artistique pour l’enregistrement d’une session studio, laquelle finira d’ailleurs sur mon label Jakarta Records puisqu’il s’agit de l’album « Sawtuha ». Je savais que j’aurais du temps libre une fois sur place, et que je le passerai à digger (chercher des disques). Je me suis donc renseigné auprès de la population en leur demandant s’ils avaient quelques noms, quelques références sur lesquelles m’orienter. Roskow (qui finira par se charger du remaster de cet album) me parla d’un compositeur algérien du nom d’Ahmed Malek dont la musique était aussi arrivée jusqu’en Tunisie.

Trois ans plus tard, exhumer des raretés de musique arabe est devenue plus qu’une passion, un vrai hobby. Et heureusement, j’avais pu mettre la main sur une copie originale d’un disque d’Ahmed Malek intitulé « Musique originale de Films ». Je connaissais déjà certains des morceaux que j’ai pu y entendre mais le fait de découvrir ces morceaux tel qu’ils ont initialement été proposés (et pas à partir d’une version obscure et de mauvaise qualité trouvée sur YouTube) m’a fait littéralement tombé amoureux des compositions de Malek. Il parvient à créer cette atmosphère si particulière : mélancolique, introspective, émouvante, sans jamais tomber dans le déprimant. Même sans avoir vu une seule photo de lui, des représentations nous viennent naturellement à l’esprit et taquinent notre imagination !

A partir de ce moment, l’idée de rééditer un album signé Ahmed Malek est devenue une véritable obsession. Je savais que certaines personnes avaient déjà essayé de localiser sa famille, ses ayant-droits, sans pouvoir aller au bout du projet. Au final, j’ai eu une chance incroyable pour vous permettre aujourd’hui de lire ces lignes et écouter ce disque..

C’est à l’occasion d’un de mes Dj-sets à Beyrouth durant lequel je jouais de vieux disques arabes que j’ai mentionné à une amie ma passion pour Ahmed Malek. Elle m’a répondu qu’elle connnaissait justement quelqu’un à Alger et, même si cela devait être un coup d’épée dans l’eau, elle demanderait à cette personne si elle connaissait un moyen de se rapprocher de la famille Malek. Deux semaines s’écoulèrent avant qu’on ne me redonne des nouvelles et ce qu’on m’a dit a dépassé toutes mes espérances ! Son amie algérienne était tout simplement la voisine de la fille d’Ahmed Malek ! Je ne suis pas quelqu’un de particulièrement spirituel mais il semblerait que les éléments se sont tous mis d’accord pour que cette réédition voit le jour !

J’ai donc commencé à m’entretenir avec Henya, la fille d’Ahmed Malek qui fut ravie de mon idée de rééditer la musique de son père. Elle était convaincue que son père aurait adoré l’idée lui aussi. Elle nous a fourni des trésors comme une quantité impressionnante de photos, de matériel, de vidéos inédites et de versions alternatives totalement inédites. Et elle nous en a aussi dit beaucoup plus sur la vie de son père.

Ahmed Malek est né le 6 Mars 1932 à Bordj El Kiffan, Alger. Il était l’aîné d’une famille comprenant trois frères et une soeur. Il travailla à l’usine très jeune pour aider son père à subvenir aux besoins de la famille. Sa mère mourut alors qu’il n’avait que 12 ans, c’est à ce moment là qu’il fit le choix de devenir musicien et après avoir terminé ses études, intégra le Conservatoire d’Algérie. Il obtint la reconnaissance de son travail très tôt et gagna de nombreux prix et récompenses au niveau national et international (« Premier grand prix des arts et des lettres de la composition » en 1972, médaille d’or au « Panafrican Festival » en 1976 et le « Prix du mérite national pour la composition musicale » en 1987). Il a été durant des décennies le chef d’orchestre de l’Algerian Television Orchestra et a représenté à plusieurs reprises son pays lors d’événements internationaux comme L’Exposition Universelle au Japon, au Canada, à Cuba et en Espagne. De son vivant, en tant que compositeur hyperactif, il composa la musique de douzaines de films, téléfilms ou autres documentaires. Puis à la fin des années 90, sa santé se détériora. Il mourut le 24 juillet 2008, chez lui, à son domicile d’El Mouradio à Alger.