Le folklore planétaire de Cavern of Anti Matter

Pour quelques nouvelles ouvertures acid au fil de vos nuits lysergiques, Cavern of Anti-Matter revient tricoter des mélodies glissantes de Riesling sur le kraut contemporain en une énième incarnation du projet Stereolab.


Cavern Of Anti-Matter est le récent projet de Tim Gane. L'ex-leader de Stereolab y retrouve Joe Dilworth, le premier batteur du mythique combo britannique, et s'offre les services de l'électronicien Holger Zapf, déjà aperçu dans Ursula Bogner,  projet de mystification musicale orchestré par Jan Jelinek. Basé à Berlin depuis une dizaine d'années, Gane n'a jamais renié l'influence du Krautrock sur ses nombreuses compositions, il n'a d'ailleurs cessé d'aborder, de citer et de rendre hommage au rock cosmique entêtant qui a offert à l'Allemagne une crédibilité musicale et un rayonnement international du milieu des années soixante à la quasi fin des années soixante-dix.

Aujourd'hui, les rééditions des pionniers comme Harmonia, Cluster, Kraftwerk, Neu !, Manuel Göttsching et Can côtoient dans les bacs les albums de jeunes - ou moins jeunes - loups tels que Zombi, Beak, Camera, Bitchin Bajas, Zombie Zombie  et le « rock à chou » n'a pas fini d'être digéré.

Si Stereolab n'a revisité le Krautrock qu'au prisme d'une pop teinté d'un psychédélisme siglé britannique et d'un goût très mesuré pour l'expérimentation, c'est de la plus belle des façons que Blood Drums met les pieds dans le plat de choucroute en 2013. Le premier album du trio sort chez Grautag, label à la forte identité esthétique et au cahier des charges des plus clairs : « composer un album sur le thème de la dystopie qui sera édité au format double vinyle ».

C'est sous le nom de Cavern Of Anti-Matter, que le trio répond à l'invitation et cède de la plus radicale des façons à ses démons Kraut. Le résultat est un rite métronomique et obscur au cours duquel les percussions saignent et les synthétiseurs sont sacrifiés dans de jouissives embardées industrielles. Après deux maxis et deux 45 tours, dont le plus récent pour le label Ghostbox trahit une volonté de faire entrer un peu de lumière dans la caverne, sort le second long format de COAM, void beats/invocation trex.

Toujours habité, mais nettement moins sombre, ce nouvel album souffre autant d'un manque d'unité qued'uneahurissante richesse. On retaillerait volontiers ces douze titres et ces soixante-douze minutes en trois maxis et un 45 tours. Sur le single, on verrait évidemment très bien le tour de force de deux minutes de Bradley Cox de Deerhunter qui nous met dans la tête le tube, et seul véritable morceau chanté du disque qu'est Liquid Gate ; tandis que la sombre contribution de Sonic Boom lisant un texte de Vasarely sur tapis de clusters et d'oscillations ferait une face b potentielle. Les morceaux longs et répétitifs de l'album ( Tardis Cymbals et Echolalia) fonctionnent d'ailleurs comme un hommage musical à l'Art Optique du plasticien hongrois qui mélange et alterne les motifs rythmiques et électriques et les modulations électroniques, en tricotant des formes acoustiques suscitant de doux vertiges dans un psychédélisme aussi géométrique que rigoureux.

Exit la noirceur, la dystopie laisse la place à un propos plus pop.  Melody in high feedback tones et Black glass action renouent ouvertement avec un art de la ritournelle pop lumineuse qui rappelle que Gane sait encore écrire de véritables « chansons instrumentales ». Tandis que void beat voit les hommes de la caverne s'essayer à une matière plus électro et primitive faisant la part belle aux machines et à une vision très personnelle de l'acid. 

Véritable auberge espagnole troglodyte, ce second album de Cavern Of Anti-Matter multiplie les sensibilités musicales et foisonne d'idées. Clair, on ne rend pas hommage au Krautrock de la même façon en 2016 qu’en 1996.

Christophe TAUPIN
Cavern of Anti-Matter void beats/invocation trex (Duophonic)
Cavern Of Anti-Matter le samedi 27 février à la Route du Rock Hiver à Saint-Malo.