Noémie Goudal au Bal : "Viens ici dans l'au-delà"
Si le Cinquième élément de Besson était l'amour qui manque toujours au monde, le Corps déployé par Noémie Goudal est plutôt éthérique. A poser question, à glisser ses visions architectoniques ou spatiales au-delà des sens communs, sur le mode "viens ici dans l'au-delà." Et c'est plutôt manifeste. Explications.
La première exposition monographique française consacrée à Noémie Goudal, qui se tient au BAL à partir du 12/02, s'intitule Cinquième Corps. En plus des pièces inédites produites spécifiquement pour le lieu, on y trouvera aussi les séries In Search of the First Line (2014), Observatoires (2014) et Southern Light Stations (2015).
Les installations de Noémie Goudal sont architectoniques dans le sens où il existe un lien manifeste entre la structure et la construction, à manifester soit son image, son sens, le ou les messages qu'un bâtiment véhicule. A partir de ses sculptures photographiques ambigües, fabriquées de toutes pièces, elle installe ses édifices, souvent faits de papier, dans des paysages naturels, recréant ainsi de nouvelles perspectives. Ces éléments architecturaux (escaliers, dômes, tours...) ou cosmiques (ellipses...), sont placés dans des océans vierges ou des étendues désertes. En s’attardant sur ces formes, le regard y décèle des artifices (plis, imperfections, cordes, câbles...) caractéristiques d’objets en deux dimensions conçus pour l’unique finalité de la photographie.
Dans In Search of the First Line, la contradiction temporelle est à l’œuvre : l’architecture d’édifices anciens se mêle aux enchevêtrements de béton des ruines industrielles. Dans Observatoires, des bâtiments, usines ou entrepôts, photographiés en Allemagne, en France et au Royaume-Uni, semblent flotter dans un espace indéterminé, non sans évoquer les architectures cosmiques indiennes érigées à Delhi ou Jaipur au XVIIIe siècle. Dans Southern Light Stations, l’espace céleste, retrouve un sens ancien de miroir des dérèglements terrestres et de la manifestation du sacré. De l’Antiquité au Moyen Âge, on y observait un emboîtement de sphères tournoyantes, un soleil de cristal éclairé par une grande torche ou de fulgurantes apparitions de boules de feu. La Terre était souvent décrite comme reposant sur l’eau, et le ciel, comme une voûte posée au-dessus d’elle, la limitant de toute part.
A jouer des paradoxes ou des relectures biaisées, le travail de Noémie Goudal porte un regard interrogateur sur l’univers, cet espace de recréation où l’imaginaire s’étend à l’infini, comme un cinquième corps fait d’éther (ou cinquième élément) - le mot est lâché !
Ses installations qui sont autant des images que des objets, défont ces spéculations en poussant le regard au-delà, En imposant ses propres repères, l'artiste nous oblige à voir plus loin et sa vision en impose d'autres vérités manifestes, à poser une nouvelle dualité, voire une dialectique avec son dispositif, comme si l'hallucination dévoilé n'était qu'un moment, avant de passer à une autre vision plus large, parce qu'après tout, s'il existe quatre éléments fondamentaux, nous avons tout de même cinq sens; pour une fois pris à partie. Je vous ressers un peu d'éther ?
Parallèlement à l'exposition, Le BAL co-édite avec RVB, Observatoires, dix photographies de la série et un essai inédit, The View from Here, de Cliff Lauson qui revient sur l’interaction entre perception et observation au cœur du travail de Noémie Goudal. Comment l’approche de la perspective et de la scénographie permet-elle à l’artiste de construire des espaces singuliers dans ses photographies, images stéréoscopiques ou installations ? (16 p. bilingue, 25 €)
Noémie Goudal / Cinquième corps du 12 /02 au8/05/2016
au BAL - 6, impasse de la Défense 75018 Paris
www.le-bal.fr