Cy Twombly peintre, photographe, sculpteur : lequel aimerez-vous ?

Première rétrospective française d'envergure depuis sa mort en 2008, en Italie, pour Cy Twombly, l'énigmatique peintre intellectuel; l'abstrait qui racontait des histoires à travers l'Histoire et la peinture. 

Twombly-polaroid Maroc 2005

Pompibourg explore 60 ans de séries et de cycles de peinture du grand artiste américain Cy Twombly et aborde des aspects moins connus de son œuvre avec ses sculptures et ses photographies. Construite autour de trois grands cycles : Nine Discourses on Commodus (1963), Fifty Days at Iliam (1978) et Coronation of Sesostris (2000), l’exposition retrace l’ensemble de la carrière de l’artiste à travers un parcours de cent quarante peintures, sculptures, dessins et photographies. De ses premiers travaux du début des années 1950, marqués notamment par le graffiti et l’écriture, à ses compositions des années 1960, de sa réponse à l’art minimal et conceptuel des années 1970 à ses dernières peintures, cette rétrospective souligne l’importance des cycles et des séries dans lesquels Cy Twombly réinvente la peinture d’Histoire. Salué comme l’un des plus importants peintres de la seconde moitié du XXe siècle, Twombly «syncrétise » l’héritage de l’expressionisme abstrait américain et les origines de la culture méditerranéenne.

PARCOURIR L’ŒUVRE DE TWOMBLY, DES YEUX ET DES LÈVRES, C’EST SANS CESSE DÉCEVOIR "CE DONT ÇA A L’AIR"ROLAND BARTHES

« Chaque ligne est une expérience avec sa propre histoire innée. Elle n’illustre pas, elle est la sensation de sa propre réalisation. L’imagerie est d’une indulgence privée ou séparée, plutôt qu’une abstraite totalité de la perception visuelle. »
Cy Twombly

Hérodiade / Twombly

Jonas Storsve distingue chez Cy Twombly un travail en série, important, mais aussi des cycles, dont trois grands qui sont les pivots de l'exposition du Centre Pompidou. Ces cycles racontent des histoires, inspirées de la mythologie, ce qui lui fait dire qu'il s'agit d'un peintre d'histoire. "C'est un peintre abstrait qui raconte des histoires", avec un vocabulaire contemporain, résume-t-il.

D'après le commissaire d'expo du lieu, ce sont des hommages aux maîtres, avec par exemple "Empire of Flora" en référence à Poussin, une toile qui, comme les précédentes plus austères, propose un tourbillon de signes mystérieux sur fond blanc, mais cette fois en couleur. Il cite aussi Raphaël ("School of Athens"), ou un Mirò inspiré d'une nature morte néerlandaise du 17e siècle ("Dutch Interior").

Cy Twombly, "Coronation of Sesostris", 2000

Son goût pour la culture date-t-il de son voyage en Europe avec Robert Rauschenberg en 1952 ? La culture qu’il y acquiert irriguera son œuvre. Des lectures comme autant de voyages – Goethe, Homère, Horace, Hérodote, Keats, Mallarmé, Ovide, Rilke, Sappho, Virgile – auxquels il puisera pour ses œuvres. Et d’autres comme : Lesley Blanch, Robert Burton, George Gissing ou le poète mystique perse du 13e siècle Djalâl-ad-dîn Rûmî…, et son goût rare et raffiné trouve à s’épanouir dans le champ de la peinture. Je pense plutôt qu'en gentleman du Sud, il n'en avait pas grand chose à battre de l'avis des New-Yorkais qui le snobaient souvent, à tel pointque Léo Castelli lui a refusé une expo en 199, lui disant que c'était inmontrable…  De là à y voir une corrélation à installation en Italie, je saute le pas.

Doté d’un sens de l’humour et de la répartie peu commun, Cy Twombly, lorsqu’il le voulait, avait l’esprit délicieusement mal tourné. Ainsi, devant l’œuvre intitulée Apollo (1963), il dit laconiquement à Paul Winkler, ancien directeur de la Menil Collection à Houston : « Rachel et moi, on adorait aller danser au théâtre de l’Apollo à Harlem. » Dans toute une suite de dessins de 1981-1982, il inscrit l’expression « Private Ejaculations » tout en sachant qu’au 17e siècle ce terme désignait des prières courtes prononcées avec ferveur à intervalles fixes.

Le même humour est à l'œuvre ses sculptures, souvent composées d'objets glanés au hasard de ses promenades, et toujours rebadigeonnées en blanc, un peu comme ceux de l'Arte Povera, mixés à une touche Klein, mais blanche, pour faire diversion… 

Polyphonique, le catalogue qui accompagne l’exposition propose plusieurs approches avec des essais éclairant certains aspects et périodes de sa carrière. Il fait partager des réflexions et impressions personnelles d’autres artistes, mais aussi l’histoire de la constitution de deux grandes collections d’œuvres de Cy Twombly (celle du couple Brandhorst et celle d’Yvon Lambert), ainsi que des notations du fils de l’artiste, Alessandro Twombly. Le catalogue s’achève sur un portrait brossé par Nicola Del Roscio.

Maxime Duchamps

Roses 2004 Twombly

Cy Twombly -> 24 avril 2017
Galerie 1 - Centre Pompidou, 75004 Paris