陰翳礼讃, l'éloge de l'Ombre de Matthieu Zellweger

Comme Jean-Luc Godard, Matthieu Zellweger vit à Rolle et comme lui, il aime Tanizaki. Mais si le premier est le cinéaste que l'on sait, le second est un photographe de grand renom qui vient de s'inspirer de l'essai de Tanizaki In'ei raisan qui a déjà servi de modèle à Alain Corneau pour Tous les matins du monde avec une esthétique de la pénombre en réaction à l'esthétique occidentale où tout est éclairé, s'employant à comparer divers usages de la lumière et de l'éclairage (des lieux d'aisance, par exemple) chez les Japonais et les Occidentaux.

Diplômé aussi bien en médecine qu'en économie politique, Matthieu Zellweger vient de passer 20 ans entre Asie et Europe à observer, pour des organismes internationaux, les conditions de santé de tous les pays qu'il a visité ; devenant reporter photographe au passage. Sa dernière série a pour thème le Japon et s'intitule Eloge de l'ombre

  "La vaisselle laquée offre une beauté supplémentaire qui se révèle entre le moment où l'on enlève le couvercle du bol pour le porter à la bouche et que l'on observe le liquide au repos dans le fond obscur du bol ; liquide dont la couleur n'est pas si différente de celle du bol lui-même. Ce qui est tapi dans l'ombre que l'on ne peut distinguer se ressent au toucher , avec l'agitation du liquide, la vapeur qui s'en élève en faisant des gouttelettes sur les bords, et l'odeur qui embaume sont comme une anticipation délicate…  un moment de mystère, à la limite de la transe." 

Cette série part de la réflexion de Tanizaki avec son Eloge de l'ombre, nous faisant voyager dans le Japon au quotidien, là où la beauté est tapie dans l'ombre et le visible ne se révèle que dans ce qu'il cache. Des instantanés de la vie en prise directe avec l'esthétique du lieu.

De quoi nous rappeler ces instants fugaces comme, par exemple, le glissement du papier d'une porte qu'on ouvre ; quand l'odeur de paille de riz du tatami nous accueille quand on s'allonge dessus ou, encore, quand les arts de la table qui savent se cacher dans les obscurités de la laque font rutiler le plus simple des mets. 

Matthieu Zellweger - In Praise of Shadow ( source Lensculture)
http://matthieuzellweger.com