Raimund Hoghe : Eh bien! valsez maintenant …

Longtemps dramaturge de Pina Bausch, Raimund Hoghe a décidé de s'atteler à un classique du répertoire moderne conçu par Ravel comme musique de ballet, mais refusé par Diaghilev. Traversé d'une troublante modernité tout en faisant écho à la Vienne impériale. Du corps pour la musique, mais pas de corps pour la guerre.

Commandée par Diaghilev pour les Balles Russes, la Valse a finalement été refusée, ne collant pas au propos du chorégraphe. Pourtant, on y respire l'héritage des parquets viennois, mais d'un passé relu par Ravel à l'aulne de la guerre, traversé de dissonances qui viennent martyriser le tempo et lui signifier son congé dans son propre et infernal tourbillon.

Dans cette partition traversée de dissonances, où des motifs stridents menacent de désarticuler la mesure, se laissent entrevoir des corps qui tournent jusqu’au vertige, au bord de l’abîme. Accompagné par le pianiste Guy Vandromme, avec lequel il avait déjà collaboré pour Sacre – The Rite of Spring, Raimund Hoghe s’appuie sur les tons, les couleurs, les ambiances portées par deux versions de La Valse– celle pour piano, jouée live, et celle pour orchestre. Sur scène avec sa troupe d’interprètes familiers, il nous invite avec sa troupe d’interprètes familiers, il nous invite à suivre la cadence, 1, 2, 3-1, 2, 3, pour une dérive avec des airs et des danses – comme autant de réminiscences se faufilant dans les creux de l’Histoire jusqu’au présent.

Raimund Hoghe/Cantatas

La version originale de La Valse est pour orchestre, mais il existe également une version pour piano qui apporte d'autres nuances, d'autres qualités. Comme d'autres grands morceaux de musique – le Boléro d'ailleurs qui dure entre 14 et 17 minutes – il s'agit d'une pièce assez courte, qui dure entre 11 et 14 minutes en fonction des interprètes – ce n'est pas suffisant pour un programme entier. Du coup, La Valse sera le cœur du projet mais il y aura sans doute d'autres musiques, d'autres matériaux. Le fait que la musique soit jouée en live est très différent pour les danseurs, cela ajoute une présence avec laquelle interagir.

Par ailleurs, tout le contexte qui entoure la création de cette œuvre est très intéressant. Ravel a composé une première version de cette valse pendant la première guerre mondiale. Il l'a reprise et achevée, suite à une commande de Diaghilev pour les Ballets russes. Diaghilev a finalement refusé d'en faire un ballet. Du coup, La Valse a été créée en version pour orchestre, sans danse.

Ce n'est que dix ans plus tard que Ida Rubinstein en a donné une version pour ballet. Par la suite Bronislava Ninjinska en a proposé une version, puis plus tard, Balanchine également, dans les années 1950. Un autre point de relation à cette œuvre se fait à travers Pina Bausch. Dans Two Cigarettes in the Dark – une pièce pour laquelle j'ai travaillé avec elle – il y a, vers la fin, une séquence dansée sur La Valse de Ravel. C'était à cette époque, au début des années 1980, la première fois qu'elle utilisait un morceau de musique aussi long – d'habitude, elle utilisait plutôt des extraits musicaux assez courts. Les souvenirs que j'ai de cette danse sur La Valse sont très forts, peut- être que ça a joué comme une réminiscence. Bien entendu, il s'agissait d'une pièce avec un grand groupe de danseurs, des décors, etc. On ne peut évidemment pas la comparer avec ce que j'aimerais faire.

Raimund Hoghe - La Valse du 23 au 26 novembre
Centre Pompidou 75004 Paris

Raimund Hoghe/ Pas de Deux