High five pour le Hip Hop Family Tree d'Ed Piskor !
A l'heure de l'autotune pour tous, le hip hop a-t-il encore un rapport avec ses racines? Et comme Ed Piskor (Wyzziwig) est un encyclopédiste du genre, il a décidé de faire le Hip Hop Family Tree pour en remonter le fil de manière chronologique. Passionnant, touffu et volontairement rustre dans le trait et les couleurs, une bible du genre. Quatre tomes sont déjà sortis aux USA et ici, le premier a débarqué chez Papa Guédé (on attend toujours la suite).
Démarrée sur le site boingboing.net il y a cinq ans, le Hip Hop Family Tree est le fait d'un passionné, autrefois collaborateur du regretté Harvey Pekkar qui a voulu mettre son savoir et ses connaissances encyclopédiques au profit d'un genre qui s'est tellement éloigné de ses racines que beaucoup de gens se demandent si la musique d'aujourd'hui a encore un lien avec elle qui est née dans le Bronx au début des 70's…
Piskor s'est intéressé à l'année 1978, quand la new wave, Basquiat et Warhol la font entrer Downtown Manhattan et découvrir aux autres new-yorkais, jusqu'à l'explosion de Rapper's Delight du Sugarhill Gang. Et pourtant, d'après Piskor lui-même interviewé par Vincent Brunner dans Slate ; pour les pionniers, cette musique ne se concevait en effet que live, un MC au micro et un DJ maltraitant des vinyles sur ses platines. «Oui, c’est marrant de réfléchir à ça, pour les rappeurs et DJ des origines, le hip-hop était impossible à retranscrire sur disque».
Et diverses réactions, aussitôt de fuser, retranscrites ici dans toutes leurs divergences de vue :
Mais l'autre force de Piskor est de retranscrire les premières passes d'armes, comme cette battle anthologique entre Kool Moe Dee et Busy Bee qui donnent le vrai visage des enjeux d'alors.
Mais aujourd'hui, si on peut encore trouver en téléchargement libre le premier De Le Soul Three Feet High and Risin', il est impossible de le ressortir dans le commerce, tant les lois sur le copyright sont pointues (raison pour laquelle on ne le trouve que peu sur les plate-formes d'écoute et de téléchargement).
C'est aussi la raison pour laquelle, le dernier Tribe Called Quest a une pléiade d'invités prestigieux et quasi aucun sample… Alors qu'au départ, on piquait un rythme funky sur un titre disco et avec la maestria du DJ, le MC improvisait pour balancer des rimes, aujourd'hui, on fait dans l'ecrêmé et l'autotune, à débiter du mètre de gangsta bien donbi pour attirer le chaland : «Les lois sur le copyright ont changé au point que c’est un album trop cher à ressortir. Négocier les droits pour les samples coûterait sans doute 15 millions de dollars. Du coup, il reste dans les limbes… c’est pourquoi De La Soul l’a offert en téléchargement gratuit. Ces lois foutent en l’air la culture hip-hop, ces avocats éliminent un morceau de la culture américaine à cause de leurs conneries juridiques. Les gens qui peuvent produire le rap que j’aime et que je veux entendre, ça représente 1% des artistes hip-hop. Jay Z et Kanye West peuvent se permettre de payer les droits pour utiliser des samples. C’est la culture dans laquelle nous vivons, à l’opposé de celle des années 80 et 90, deux décennies qui constituent l’âge d’or du hip-hop. Les disques de hip-hop que j’aime datent de l’époque où c’était le Far West concernant le copyright. Ils ont du succès et ça n’arrivera plus: les rappeurs investiraient bien plus d’argent dans la conception de l’album qu’ils ne pourraient jamais en tirer comme profit».
Se pose alors la question neu-neu de savoir si c'était mieux avant… Et à cela nous répondrons : Si tu mets deux doigts ça siffle parce que Tribe Called Quest version classique ou Kendrick Lamar en rapper futuriste, c'est pas encore du surgelé. A lire avec un Kangol et ses Adidas aux pieds…
Jean-Pierre Simard
Ed Piskor The Hip Hop Family Tree, Volume Un, éditions Papa Guédé