Robyn Orlin : le ciel honorablement bleu d'une danse sud-africaine

Robyn Orlin pose souvent les fondations imaginaires de ses projets par l’invention de collages photographiques – bric-à-brac de couleurs, de formes, de références qui s’entrechoquent dans une logique proche du rêve. Pour sa nouvelle création, cette série d’images montre une figure à la peau bleue, vêtue d’une robe, qui semble flotter comme une divinité méditative sur fond de paysages et d’architectures désertes.

Cette silhouette « à la recherche d’un lieu », incrustée telle une icône naïve sur des paysages en ruines, c’est celle d’Albert Khoza, jeune performer sud-africain dont la condition cristallise les questions que Robyn Orlin adresse sans relâche à la société sud-africaine post-apartheid :

«Pourquoi ne peut-on être gay et inscrit dans la culture traditionnelle ? Pourquoi ne peut-on être diplômé de l’université et pratiquer la religion et la médecine africaines coutumières ? ».

Comme les deux solos écrits pour Éric Languet et Elisabeth Bakambamba Tambwe dans In a world full of butterflies, it takes balls to be a caterpillar... some thoughts on falling..., c’est à partir du singulier que Robyn Orlin cherche à articuler les désordres du monde – à incarner un point de fracture qui bouleverse les représentations occidentales et africaines. Dans ce solo peuplé de multiples présences, Albert Khoza incarne l’énergie créatrice des jeunes générations qui cherchent à faire bouger les lignes, en même temps qu’il donne à lire la violence d’une société tiraillée par ses paradoxes, minée par le chômage, le racisme et l’homophobie. Comme s’il transportait avec lui une petite lueur d’espoir, un message en quête d’oreilles pour écouter, il nous offre le cheminement d’un individu pour trouver sa juste place.

Un corps ludique, ironique, tiraillé entre péché, transformation, déclin et éclat, s’embarque dans les « sept péchés capitaux » pour un voyage à travers un « requiem pour l’humanité » - le tiers monde occupe la scène et le premier monde paie pour participer au spectacle...

Oui. Imaginez un « requiem pour l’humanité », créé pour un interprète appartenant à la prochaine génération de Sud-Africains..... pleine d’idées positives et de curiosité.....  tentant de vivre malgré les destructions que, sans discontinuer, nous fabriquons et accumulons pour les générations futures..... se demandant s’il est possible, en tant que Sud-Africains, de coloniser Mozart tout en se servant du quotidien comme moyen d’expression.

Pour cette pièce, l'auteur souhaitait « remettre les mains dans le cambouis » de la réalité sud-africaine et se confronter à toutes les questions qui l'agitent actuellement.

Robyn Orlin : La première semaine de travail s'est déroulée à Johannesburg. Politiquement, cette ville est dans un état lamentable. La corruption, le détournement d'argent, le racisme, la pauvreté sont visibles partout. L’Afrique du Sud actuelle ne va pas bien, c'est le moins qu'on puisse dire. Et en même temps,il s'agit là de problèmes qui auraient dû être mis sur la table depuis longtemps. Il est temps de crever l’abcès. C'est ce qu'aurait dû faire la « commission vérité », mais sans doute que le pays n'était pas prêt pour la vérité. La situation est assez catastrophique en Afrique du Sud, mais c'est le cas partout ailleurs –comme aux États-Unis. Ce que raconte Trump dans sa campagne actuellement est absolument terrifiant. J'essaie de comprendre ce qui se passe : dans le monde, ici, en Allemagne, en Afrique du Sud. Mon point de départ avec Albert est très sud-africain, c'est sa réalité, mais plus la création avance, et plus les choses s'élargissent. Je ne voudrais pas que la pièce ne fasse référence qu'à l'Afrique du Sud, et que du coup, les spectateurs passent leur temps à essayer de comprendre à quoi nous faisons référence. Il y aura sans doute un va-et-vient entre différentes couches de références, certaines plus locales, d'autres plus « universelles ».

RobynOrlin