Chez Yello, l'atome est femme, c'est le Frautonium de 2016 en retour de Suisse
Si le parcours de Yello reste quelque peu erratique, après 40 ans d'activité, les singles ne se développant jamais au fil d'albums conséquents, chacun recèle quand même quelques pépites qui méritent l'attention. Comme sur ce Toy estampillé 2016 avec Limbo, Electrified ou Cold Flame.
Rappelons, pour la petite histoire, qu'avant de former un duo électronique pionnier à la fin des années 70, Boris Meier, fils de banquier Zurichois a été viré de chez lui pour faire ses preuves, devenant tour à tour membre de l'équipe professionnelle de golf helvète, puis joueur de poker, tandis que Boris Blank conduisait des semi-remorques dans le monde entier. Mais quand, on les découvrit sur Ralp Records, le label des Residents, le son était déjà là, les compositions affûtés et les deux personnages en parfaite osmose et leurs rôles définis en fonction de chacun. Dieter est l'homme du monde, le Bryan Ferry surréaliste à la voix ultra-grave qui monte ses scénarii en forme de court-métrage (qui font de leurs clips des tueries réitérées), quand Boris gère l'artillerie sonore, en ayant anticipé pas mal de mode sonores ( de l'électro piqué pour ses scratches par Afrika Bambaataa à l'admiration des innovateurs des Belleville 3 de Detroit ( May, Atkins, Saunderson) qui les placent à égalité dans l'invention du son synthétique européen de la techno aux côtés de Kraftwerk et Depeche Mode.
La force de Yello réside dans l'adaptation continuelle du format pop à leurs propos, surtout les plus déviants comme pour les Pet Shop Boys, autre champions de la pop song qui frappe entre les deux yeux (de West End Girls à I Love You, You Ay My Rent). Et côté suisse, de Rhythm Divine avec Shirley Bassey à The Race, Bostich, en passant par Oh Yeah, Of Course I'm lying,,etc. On n'a que l'embarras du choix.
“Limbo” c'est du Yello classique avec grosse basse, voix qui descend plus bas que terre, et un chorus d'enfer qui n'oublie pas l'existence du dubstep. Le jazztronics intitulé “30’000 Days” est le moment cinématique de l'album, encore une de leurs inventions avant qu'on parle de trip hop ou de downtempo. Mais cela a l'avantage de ne pas sonner daté, même si la recette est connue.
Vous y retrouverez l'art de la nouvelle cher à Meier et celui de la mise en forme parfaite de Blank qui semblent ici, avoir trouvé le bon mix pour faire un album, par une construction judicieuse. At last : future jazz, downtempo, house. Welcome back boys, d'autant qu'en allant chercher des voix féminines on y retrouve les fantômes revivifiés de Shirley Bassey ou Sharah Nelson, tout comme des décalages par rapport aux standards pop, comme par exemple sur Blue Biscuit qui gratte les Beatles dans le sens du poil. En invités : Fifi Rong voix sur Kiss the Cloud, Dark Side) Malia voix sur Cold Flame, Starlight Scene, Give You The World, Heidi Happy sur Dialectical Kid et Jeremy Baer aux guitares. A vous de découvrir la nouveauté planquée sous le format stéréotypée. Elle est bien là et la formule fonctionne !
Jean-Pierre Simard