Le photographe malien Aboubacar Traore dévoile l'obscurantisme
Récompensé à Bamako par un prix de la Biennale Africaine de la photographie, le malien Aboubacar Traore a réussi, avec ses maigres moyens, un minuscule budget, quelques amis, à rendre visible, grâce à une idée très simple, le bourrage de crâne d'une partie de la jeunesse, prête à oublier ses rêves personnels, devenir interchangeable sous la forme alternée du bourreau ou du martyr. De la cagoule du combattant à la boule noire énigmatique, il suffisait d'opérer ce léger glissement pour que quelque chose saute aux yeux : l'effacement, la mort de l'individu.
C'était tellement évident qu'on ne pouvait que retenir d'abord une des photos de la série "Inch Allah" d'Aboubacar Traoré pour l'affiche de la renaissance, à Bamako, Mali, de la Biennale de la photographie africaine, tant elles sortaient du lot ! Ce qui fut donc fait lors de la présentation de la Biennale à Arles à l’été 2014, où cette image avait servi de visuel au dossier de presse. Comme il était tout aussi évident qu'ensuite, on allait rétro-pédaler, et y réfléchir à deux fois avant d'attaquer aussi frontalement ceux qui avaient envahi Tombouctou, et menacent encore d'imposer leur vision de l'Islam au Mali. Par mesure de précaution (« Je ne souhaitais pas que la question religieuse soit au centre de la Biennale ni que les musulmans perçoivent cette série comme une critique », Samuel Sidibé, délégué général des Rencontres), la direction de la Biennale a opté entre-temps pour un cliché moins litigieux de la Sud-Africaine Lebohang Kganye. Aboubacar Traoré a tout de même, in fine, reçu le prix de l'Organisation internationale de la francophonie (OIF).
« Il y a trois ans, on était paniqués, on ne savait pas où aller, tous les jours on pensait que quelque chose allait survenir. Je me disais comment les gens se cachent derrière la religion pour servir leur propre intérêt. Beaucoup de jeunes, à cause de la pauvreté, sont attirés par le radicalisme. Ils n’ont rien à manger, ils sont influençables. Quand quelqu’un vient et s’occupe d’eux, ils succombent à l’appel. »
Aboubacar Traore
Tout à fait dans le courant qui consiste à mettre en scène des photos, par lassitude des "photos d'actualité" peut-être, ou plus sûrement par dégoût des images de propagande ou de cadavres que seules semble générer l'affrontement avec Daesh ou Boko Haram, Aboubacar Traore a réussi, avec ses maigres moyens, un minuscule budget, quelques amis, à rendre visible, grâce à une idée très simple, le bourrage de crâne d'une partie de la jeunesse, prête à oublier ses rêves personnels, devenir interchangeable sous la forme alternée du bourreau ou du martyr. De la cagoule du combattant à la boule noire énigmatique, il suffisait d'opérer ce léger glissement pour que quelque chose saute aux yeux : l'effacement, la mort de l'individu.