L'art des perceptions retrouvées de Steve McQueen

Je veux mettre le public dans une situation où chacun devient très sensible à lui-même, à son corps, à sa respiration. (Steve McQueen)

Le nouveau projet de Steve McQueen consiste en une installation murale composée de plusieurs dizaines de néons bleu foncé représentant chacun une forme manuscrite unique de la phrase Remember Me.

Steve McQueen, Ashes , 2014-15 Double projection vidéo HD synchronisée (transférée d’après des films 8 mm et 16 mm), son, écran double-face, affiches. 20 min.31 sec.

Steve McQueen, Ashes , 2014-15 Double projection vidéo HD synchronisée (transférée d’après des films 8 mm et 16 mm), son, écran double-face, affiches. 20 min.31 sec.

L'installation filmique en deux parties débute par Ashes, une œuvre immersive constituée de deux films projetés simultanément de part et d’autre d’un même écran suspendu. C’est tout d’abord le portrait d’Ashes, un jeune homme originaire, comme la famille de l’artiste, de l’île de la Grenade. Souriant et espiègle, jouant avec l’objectif de la caméra, Ashes se tient à la proue d’un bateau au large de la mer des Caraïbes. L’insouciance et l’apparente liberté d’Ashes contrastent avec le contenu du second film, visible de l’autre côté de l’écran, réalisé huit ans plus tard dans un cimetière de la Grenade, loin des images de carte postale de l’île caribéenne. « La vie et la mort se sont toujours côtoyées, dans tous les aspects de la vie » dit Steve McQueen. « Nous vivons quotidiennement avec des fantômes. »

 



L’intensité de la pièce réside dans l’antagonisme des deux projections (vie et mort, espace infini et espace clos) associé à une voix hors champ. McQueen utilise le monologue pour tisser les fils d’un récit absent des images. Par le biais de ce dispositif, le témoignage oral des amis d’Ashes fait de chaque spectateur un témoin du drame. Et cela, grâce à ses hétérotopies : des lieux conceptualisés par Michel Foucault qui, par opposition aux utopies, sont à la fois réels et détachés des autres lieux, ayant le pouvoir de juxtaposer plusieurs espaces en eux-mêmes incompatibles. Ces hétérotopies nous transportent dans un lieu dérangeant, révélant la nécessité de penser une manière de réimaginer et réhabiter le monde avec une plus grande sensibilité.

Internationalement reconnu comme cinéaste, McQueen a réalisé trois longs métrages : Hunger (2008), caméra d’or au festival de Cannes, Shame (2011) et 12 Years a Slave (2014), Oscar du meilleur film, cette année-là.

Steve McQueen Installations filmiques et néons  jusqu'au 27/02/16
Galerie Marian Goodman
79, rue du Temple 75003 Paris
www.mariangoodman.com