1969 : Jean-Pierre Bouyxou tourne "SATAN BOUCHE UN COIN", douze minutes de fun sans morale
Pendant que Mai 68 voyait descendre les étudiants dans la rue, le journaliste, réalisateur et écrivain Jean-Pierre Bouyxou filmait un court-métrage surréaliste — Satan bouche un coin — en collaboration avec Raphael Marongiu et des proches. Le genre d'objet fait sur l'instant, pour le fun, à regarder entre amis autour d'un bourgogne et avec un ou deux pétards pour l'ambiance.
Tourné entre Bordeaux, Bruxelles et Paris, la paire avait convaincu Pierre Molinier de jouer. L'alors frétillant sexagénaire Molinier, membre du dernier groupe surréaliste était un personnage sulfureux, autant dans son art que son quotidien. La légende raconte même qu'il s'était masturbé sur le corps défunt de sa sœur… Il avait, pour vivre à fond ses passions, mixé sa pratique artistique à son quotidien, en photographiant, au jour le jour, ses pratiques auto-érotiques de travesti et transsexuel, dont l'héritage photographique reste encore marquant, et pas que dans l'univers SM.
Dans "Satan bouche un coin", Molinier interprète le bien nommé Androgyne, et Bouyxou le filme lors d'une de ses performances, l'utilisant en séquence d'ouverture chic et choc. L'idée première des deux créateurs du film était de monter, simplement et de manière rythmique, des séquences sans rapport les unes aux autres, par le seul biais du fil musical de La Danse macabre de Camille Saint-Saens. Mais le résultat a dépassé leur espoir et l'ovni vaut toujours le détour ; autant par sa liberté de ton et ses flots d'hémoglobine que l'ambiance délétère des images qui s'opposent aux sautillements ironiques de la partition.
A mi-chemin entre le surréalisme du Chien Andalou de Bunuel et les plus récentes expérimentations formelles de Kenneth Anger , Jean-Pierre Bouyxou ( qui a justement 70 ans printemps cette semaine) a réussi un petit moment satanique non dénué d'humour. Bouyxou est, par la suite, devenu scénariste et acteur du cinéma B et Z, du côté de Jean Rollin et Jesus Franco. En route donc, pour 12 minutes d'humour sans limite ni morale.