Sangre, Bandera, Cruz : Los Macuanos vous souhaitent la bienvenue à Tijuana
"Sangre, Bandera, Cruz" : Sang, Drapeau, Croix. En 2006, Felipe Calderón a envoyé des milliers de soldats combattre les puissants cartels de la drogue mexicains. Tijuana, comme la plupart des villes touristiques du nord du pays, s'est transformée en zone de guerre. Sortir la nuit signifiait qu'on n'était pas très sûr de revoir le jour. Des cadavres par centaines ont signé la mort de Tijuana-la-nuit, la ville-frontière où tout était permis, la rave culture florissante et les américains décadents, mais riches.
Welcome to Tijuana
Welcome to Tijuana
Tequila, sexo y marihuana
Welcome to Tijuana
Con el coyote no hay aduana
Manu Chao
Los Macuanos, Moises López, Moises Horta et Reuben Torres, appartiennent à une génération de musiciens/producteurs qui a grandi dans ce climat changeant. Encore un pied dans le Nortec, la techno du nord du Mexique qui était née dans leur ville, frottés de toutes les musiques électroniques qui s'y croisaient plus que n'importe où au Mexique, mais trop sonnés par ce qui se passait autour d'eux pour l'ignorer, et jouer aux fêtards comme si de rien n'était. Il y a donc comme un air de tristesse dans leur musique, à la fois très enracinée localement, avec des rythmes rancheros inspirés des narco-corridos (ces chansons à la gloire des cartels, et financées par eux : un genre local, et proprement mortel, puisqu'on ne s'y fait par nécessité pas que des amis), et systématique comme du Kraftwerk, inébranlable et méthodique. A propos de leur musique, quelqu'un a inventé le terme de ruidosón (ruido = bruit), non que Los Macuanos soient à confondre avec la musique noise, mais parce qu'elle a fait son chemin à travers sirènes de police et tirs de mitraillette("El Metralleta"), sans jamais perdre le són (intraduisible, mais essentiel, à Mexique comme à Cuba même si ce n'est pas le même són...). Vivant maintenant à Mexico, donc un peu plus libres, Los Macuanos représentent parfaitement ce Mexique toujours au bord du gouffre, mais plein d'avenir, d'une modernité éblouissante parfois, que l'on n'imagine pas quand on le résume aux mariachis et aux sordides hôtels de Cancun où vont se torcher les étudiants américains pour le Spring Break.
On vous suggère à la place de vous imaginer dans le pays qui inspire ce mix de vingt minutes qui fout un peu les jetons, mais peut aussi faire bouger les morts : "El Fin". Quand on y pense, peu de groupes ont aussi finement croqué leur pays qu'ont su le faire Los Macuanos. Reste ce travail à faire pour des Français.
Christian Perrot