Kojey Radical : black dandy et poète
Au-delà ou en-deçà du hip hop, soit dans ses marges, soit dans la page qui manque, il y a ce que fait Kojey Radical.
Ghanéen londonien, Kojey Radical a tout pour réussir, peut-être trop. Car contrairement à ce qu'on pense de plus en plus, en se basant sur la réussite surnaturelle de certains rappers (quelqu'un peut-il vraiment expliquer le succès dans le business de Booba ou Jay-Z ?) il ne suffit pas d'avoir de la personnalité, du talent, beaucoup d'ambition, de multiples cordes à son arc et un ego surdimensionné pour percer le mur du silence et être entendu, et pas seulement remarqué. Car que manque-t-il à Kojey Radical, qui a su depuis le début accompagner chacun de ses poèmes-chansons d'une vidéo toujours intéressante, conçue par le collectif PushCrayons, qu'il a créé comme un bureau de propagande visuelle, en bon admirateur qu'il est de Jean-Michel Basquiat, d'Andy Warhol et de l'art moderne en général ? Tout ce qu'il dit est intéressant, avec la limite peut-être qu'il est enclin à s'interroger tout haut sur ses tourments personnels de créateur, d'être humain, et à s'auto-fictionner comme "artiste". Mais fallait-il qu'il se proclame sans cesse poète ? Cela lui coûte plus que ça lui rapporte, tant la poésie est dans les temps hyper-modernes plus sympathique vue de loin, dans le cercle des poètes disparus, que de près, dans le minuscule cénacle des poètes vivants, qui tiendraient tous ensemble dans un sous-marin.
Kojey Radical écrit, c'est indiscutable. Cela donne à ses morceaux un ton à la Linton Kwesi Johnson (le dub poet), à la différence près que, contrairement à LKJ, qui pouvait s'appuyer sur une certaine intelligentsia du reggae, et respirait un air du temps plus favorable aux rebelles, Kojey n'a personne sur qui se reposer. La différence entre rap et poésie parlée a beau être mince dans le principe, elle n'en est pas moins énorme in real life. S'il faisait vraiment du hip hop, il aurait plus de succès. Mais il fait autre chose, une musique qu'on est d'ailleurs bien en peine de catégoriser, comme on le voit en écoutant le sinueux "Opium", son premier album. Le rebelle n'est pas sans cause, mais plutôt sans parti(sans). Kojey Radical ondule donc, avec de très belles choses, la volonté constante de sortir "en tant qu'individu" du lot, mais pas fatalement de s'extraire de la mêlée, et encore moins, pour l'instant, de changer de chemin pour aller vers les autres. Pour toutes ces raisons, comme nous sommes amateurs de fortes têtes, nous vous le conseillons vivement.