Bienvenue en pleine mer - Le Manifeste des sardines contre Salvini

Depuis plusieurs semaines en Italie, un mouvement qu’on n’attendait pas (un de plus ! il faut absolument tirer les leçons de ces générations spontanées, hors du cadre habituel de la politique traditionnelle, y compris, ici, de la tradition de la lutte anti-fasciste, et du fait qu’ils semblent aujourd’hui les seuls capables de mobiliser des volontés dont on se demande où elles étaient passées… elles étaient là, attendant un signal, mais… et puis soudain surgissent), au nom improbable d’Archipel des sardines, créé par quatre amis trentenaires qui avaient appelé à un flash mob de protestation contre un meeting de Matteo Salvini, remplit à craquer les places des grandes villes de gens qui chantent à plein poumon “Bella Ciao” et disent leur refus du racisme et de l’autoritarisme. Prochain objectif : un million de sardines à Rome mi-décembre. Ces sardines pleines d’idées viennent de publier un Manifeste. Le voici, traduit par Fausto Giudice.

Déstabilisé par cette mobilisation citoyenne qu’il n’attendait pas, Salvini est vite revenu à ses classiques : la bouffonnerie menaçante, ce qui était d’ailleurs exactement le répertoire de son inspirateur Benito Mussolini . Un tour sur son fil Twitter personnel bourré de selfies, de photos de son assiette (“A table aussi, l’Italie d’abord!”, évidemment) et de propagande grossière donne une bonne idée du cloaque dans lequel l’Italie de droite, au moins depuis Berlusconi, cet autre clown du bunga bunga et de l’auto-célébration permanente, et l’arrivée sur la scène politique du comique Beppe Grillo, s’est désormais installée à demeure. En fin connaisseur de l’internet, pour contrer les sardines, Salvini a choisi les chats (les fameux lolcats), en déclarant : “Aux sardines je préfère les chats qui se les mangent quand ils ont faim” («Alle sardine preferisco i gattini che se le mangiano quando hanno fame», ce qu’on peut interpréter facilement comme un avertissement, et invité la fachosphère italienne à inonder le réseau de chats réglant leur compte aux sardines. Les sardines ont maintenant aussi contre elles un “mouvement des pingouins”. Derrière ces métaphores animales transparentes, se dessine la lutte à venir en Italie dans les années qui viennent.
Et cela n’a que l’apparence d’une farce.
L’Autre Quotidien

Bienvenue en pleine mer !

Chers populistes, vous l'avez compris. La fête est finie.

Depuis trop longtemps, vous tirez sur la corde de nos sentiments. Vous l’avez trop étirée et elle s’est cassée. Pendant des années, vous avez déversés des mensonges et de la haine sur nous et nos concitoyens : vous avez combiné vérité et mensonge, représentant leur monde de la manière qui vous convenait le mieux. Vous avez profité de notre bonne foi, de nos craintes et de nos difficultés pour capter notre attention. Vous avez choisi de noyer vos contenus politiques sous un océan de communication vide. Il ne reste plus rien de ces contenus.

Nous vous avons laissé faire trop longtemps.

Pendant trop longtemps, vous avez ridiculisé des arguments très sérieux pour vous protéger en faisant un boucan d’enfer.

Pendant trop longtemps, vous avez poussé vos adeptes les plus fidèles à insulter et à détruire la vie des gens sur la toile.

Pendant trop longtemps, nous vous avons laissés le champ libre, parce que nous étions stupéfaits, assommés, horrifiés de voir à quel niveau de bassesse² vous pouviez descendre.

Maintenant, vous nous avez réveillés. Et vous êtes les seuls à avoir peur. Nous sommes descendus sur une place, nous nous sommes regardés dans les yeux, nous nous sommes comptés. C’était de l’énergie pure. Vous savez ce qu’on a compris ? Qu’il suffit de regarder autour de soi pour découvrir que nous sommes si nombreux et beaucoup plus forts que vous.

Nous sommes un peuple de gens normaux, de tous âges : nous aimons nos maisons et nos familles, nous essayons de nous engager dans notre travail, le bénévolat, le sport, les loisirs. Nous mettons toute notre passion à aider les autres, quand et comme nous le pouvons. Nous aimons les choses drôles, la beauté, la non-violence (verbale et physique), la créativité, l’écoute.

Nous croyons toujours en la politique et aux politiciens avec un P majuscule. Chez ceux qui essaient même en se trompant, qui pensent à leur propre intérêt personnel seulement après avoir pensé à celui de tous les autres. Il en reste peu, mais il y en a. Et nous reviendrons pour leur donner du courage et leur dire merci.³

Il n’y a rien dont vous deviez nous libérer, c’est nous qui devons nous libérer de votre omniprésence oppressive, à partir de la toile. Et nous le faisons déjà. Parce que grâce à nos parents et à nos grands-parents, vous avez le droit de parler, mais vous n’avez pas le droit d’avoir quelqu’un pour vous écouter.

Nous sommes déjà des centaines de milliers, et nous sommes prêts à vous dire ça suffit. Nous le ferons dans nos maisons, sur nos places et sur les réseaux sociaux. Nous partagerons ce message jusqu’à ce que vous ayez le mal de mer. Parce que nous sommes les gens qui se sacrifieront pour convaincre nos voisins, parents, amis, connaissances que vous leur mentez depuis trop longtemps (4). Et soyez assurés que nous allons les convaincre.

Vous êtes allés trop loin de vos eaux troubles et de votre havre sûr. Nous sommes les sardines, et maintenant vous nous trouverez partout. Bienvenue en pleine mer. »

Traduction Fausto Giudice
Le texte original se trouve ici :
http://volte-espace.fr/noi-siamo-le-sardine-nous-sommes-les-sardines/


Le sardine a Modena © LaPresse

Le sardine a Modena © LaPresse