Les raisons du succès de la guérilla subversive menée par les alt-right de Trump et la fachosphère française
Surprise : c'est en étudiant Mao qu'on comprend le mieux les raisons du succès de la guérilla subversive menée sur internet par les alt-right de Trump et la fachosphère française.
L’incroyable infiltration de la part des activités alt-right de la sphère Internet a été un incroyable succès.
Elle n’a pourtant nullement tablé sur la logique, sur la propagande au sens premier du terme, mais elle a joué le rôle d’une véritable guerre de guérilla contre les médias et la parole des opposants. Cette démonstration est un cas d’école des principes de la lutte subversive contre la capacité d’influence de Clinton.
Dans les faits, la nébuleuse a intuitivement repris tous les aspects militaires d’une idéologie qu’ils exècrent. Ils ont appliqué point par point tous les aspects de la guérilla telle que définie par Mao Zedong, Võ Nguyên Giáp et Hô Chi Minh. Ils ne s’en sont certainement pas rendus compte, mais, encore une fois, ils ont démontré le caractère universel de ce mode de combat lors d’un affrontement asymétrique.
1. La capacité d’agir sans entraves
Les activistes pro-Trump ont agi sans utiliser de structure lourde, uniquement en se basant sur une activité personnelle ou de groupe léger, souvent sans organisation et sans coordination préalable. Chose essentielle, ils ont toujours, systématiquement gardé une capacité de maîtrise tactique et de leur ordre du jour.
Cela se base sur leur ethos particulier, étant donné qu’une grande partie de ces individus n’étaient pas des militants de terrain, mais bien souvent des trollsd’Internet, ou des individus désocialisés, atomisés, et plutôt influencés par les idées individualistes et réactionnaires. En bref, un fond politique plutôt fasciste ou fascisant.
Ce volontarisme personnel a pour autant trouvé des structures primitives, despools comme la section /pol/ — politcaly incorrect — du site internet 4chan, dans lesquelles pouvaient être désignées les cibles et où le matériel d'agitation — memes, articles, images, caricatures — pouvait être mutualisés. En sommes, ces activistes right-wing ont eu un fonctionnement plus anarchiste que les anarchistes eux-mêmes.
De facto, il était impossible, étant donné la nature même de leur mode de coopération, de pouvoir les stopper. Leur infrastructure était bien trop légère pour que sa neutralisation — même temporaire — puisse être pénalisante.
Ces activistes avaient donc les mains libres pour pouvoir mener leurs attaques.
2. Mobilité contre lourdeur
Les médias traditionnels, tout comme n’importe quel militant sain d’esprit, cherchent la rationalité dans leur raisonnement — dans une certaine mesure —. Cela demande des explications, des explicitations, un travail de recherche et de construction d’un argumentaire complexe pour expliquer une réalité tout aussi complexe. Cela est valable quelque soit l’idéologie défendue.
Or, la grande force de ces attaquants a été le fait qu’ils ont tout misé dans l'offensive. Leurs argumentaires n’ont jamais particulièrement cherché à démontrer de manière explicative, de manière théorisée, la supériorité de leur idéologie par rapport à celle de leurs adversaires. Cela n’aurait pas résisté à un examen un tant soit peu rigoureux. Au contraire, ils ont constamment attaqué sur tous les plans possibles leur adversaire, en passant par tous les moyens argumentaires de base. Du ad hominem à attaque sur le programme, attaques de gauche comme de droite, en bref tout ce qui pouvait présenter potentiellement une faille dans le discours de leur adversaire.
Résultat, le temps que les partisans de Clinton ou que même les médias empreints d’objectivité soit en mesure de répondre de manière argumentée, l’attaque était déjà terminée, et un autre terrain d’action était ouvert, rendant la réponse inaudible, noyée déjà dans les sirènes d’alerte des autres attaques. La difficulté de répondre du tac-au-tac a permis aux opposants de Clinton de toujours disposer d’un coup d’avance.
3. Occuper au maximuml’espace
Où que ce soit, quelque soit le support, les opposants à Clinton ont toujours répondu.
Dans les commentaires, sur les vidéos, les articles, les réseaux sociaux, les groupes partisans ou non, à chaque fois, ils ont répondu et attaqué. Cette méthode est typiquement une manœuvre pour occuper tout l’espace disponible. Elle vise à cce que chaque pointe lancée par leur adversaire pour développer un sujet soit immédiatement au contact avec une force hostile. Chaque pas fait dans une direction par les partisans de Clinton, qu'importe le terrain, rencontrait immédiatement une contre-offensive, même symbolique, de la part des pro-Trump.
4. Harceler en continu et ne jamais laisser de répit
Ce harcèlement permanent a pour ambition de porter la contradiction partout avec l’adversaire, mais également de l’user et de l’épuiser nerveusement. En permanence en train de crouler sous une avalanche de commentaires et de postshostiles, les militants finissent par ne plus répliquer et finissent par abandonner l’idée qu’ils puissent se constituer une zone de calme et de répit. Cela mène à lâcher du terrain et a abandonner certains débats trop épuisant à mener. C’est pourtant quelque chose d’essentiel, car, à partir de ce moment, l’initiative pouvait passer dans les mains des alt-right.
5. Prendre le contrôle de l’ordre du jour de l’adversaire.
L'adversaire, dans le cas de ces cyber-harceleurs, semble facile à ignorer. Mais le harcèlement continu finit par porter ses fruits. Imposer à l'autre de répondre auxtrolls, cela forme déja une victoire en soi. Le but est de finir par imposer l'ordre du jour de l'agresseur à l'agressé, et de le pousser à la bataille dans les conditions les plus défavorables possibles. Cet objectif n'a pas été complètement atteint, la campagne de Hillary Clinton n'a pas été déasarticulée, mais en revanche les médias classiques on été dans l'obligation de communiquer sur les attaques de l'extrême-droite US, y compris par le biais de memes, et donc ont popularisé leur existence.
Ils ont été adoubés comme hate signs, au même titre que la croix gammée, que le drapeau sudiste. En voulant contre-attaquer sur ce même terrain, en voulant combattre ces moyens d’expressions qu’ils ne comprenaient pas, les médias traditionnels ont amplifié le mouvement et son influence.
6. Établir son double pouvoir
Le but de la guérilla marxiste était de former des zones libérées dans lesquelles l’autorité n’était plus assurée par le pouvoir légal, mais passait aux mains des révolutionnaires. En l’occurrence, les anti-Clinton ont fait de même. Ils ont constitué leurs sanctuaires informationnels, zones où seuls les nouvelles qu’eux même créaient circulaient. Ceci a été facilité en très grande partie par les algorithmes qu’utilisent les médias sociaux. Ces systèmes de proposition de contenu adapté fournissent ce que -supposément- veut voir l'internaute. Si un individu cherche des vidéos liées à l'extrême-droite, d'autres lui sont proposées. Une sphère opaque finit par se dresser autour de celui-ci. Cela tend à la création de biais de confirmation énormes, car l'idividu développe le sentiment que beaucoup pensent comme lui, et que ce qui lui est proposé comme contenu est véridique.
7. Pousser l’adversaire à se couper des masses.
Lorsque Clinton parle des électeurs de Trump comme des « despicable » ou comme des « deplorable », elle perd du terrain. L’un des biais les plus importants de la guérilla marxiste était le fait que celle-ci servait le peuple, qu’elle était au sein de celui-ci comme un poisson dans l’eau. Les alt-right, eux, ont surfé sur le populisme pour se doter d’une certain soutien populaire. Cependant, face à un ennemi protéiforme, la riposte contre-insurrectionnelle ou antisubversive tend à jeter les masses dans les bras des guérilléros plus que dans les bras du gouvernement légal.
Lorsque face au FNL, au FLN, à l’APL, les villages étaient rasés, cela renforçait l’influence de la guérilla et la haine contre le gouvernement ou l’occupant.
Lorsque Hilary Clinton ou les médias traditionnels attaquent sans discrimination, par l’insulte, les supporters de Trump, cela renforce leur influence et durci leur unité.
La méfiance traditionnelle des étatsuniens pour les élites et leur orgueil ont fait beaucoup: Le sentiment d’être méprisé par une intelligentsia et une élite urbaine, démocrate, en col blanc, a trouvé un écho dans beaucoup des représentant des classes populaires, cols bleus, de la rust belt.
Les alliés de Clinton, ainsi que les progressistes qui la soutiennent soutenir, se sont laissés prendre au piège de ce jeu du mépris social, et sont tombés dans le traquenard des atl-right. Mal maîtrisé, leur discours s’est avéré contre-productif. Répondant à la provocation par la provocation ou la colère, ceux-ci ont nourri la bête au lieu de l’isoler et de l’affamer. Face à cela, toute clémence du candidat Trump — souhaitant un bon rétablissement à une Hilary Clinton manifestement malade — apparaissait comme le geste fair-play d’un grand seigneur, renforçant son influence.
8. Utiliser les forces avec parcimonie et efficacité
Un des aspects qui a permis la victoire des partisans de Trump est le fait qu’il ne se sont pas épuisés, et qu’ils ont utilisé leurs forces avec parcimonie et intelligence. Basé sur le volontarisme, sur l’attaque tambour battant, sur une agressivité redoublée, leur méthode leur permettait, par un certain coté sadique, de jubiler du désarroi qu’ils pouvaient causer. Au lieu de consommer leur l’énergie, ces attaques leur en donnaient, tandis que de sont côté leurs adversaires devaient panser leurs plaies et répliquer énergiquement. À chaque attaque, chaque raid, ils ressortaient renforcés.
9. Disperser ses forces lors de la défensive, les concentrer lors de l’offensive
N’ayant rien à défendre, pas d’énergie à consacrer pour démontrer la véracité d’attaque basées sur le mensonge, les attaquants n’avaient qu’à abandonner une voie bouchée par la contre-attaque, la laisser pourrir sur place, et attaquer ailleurs sur un nouveau sujet.
Cette méthode clairement typique de la guérilla, qui consiste à se disperser continuellement et à ne se concentrer que pour attaquer, s’est retrouvée ici. Dans ce cas de figure, les raids acharnés, dès qu’un sujet se présentait — état de santé de Hillary Clinton, engagement des femmes dans le contingent d’appelés militaires, mails leakés, etc. —, tous les participants à la campagne, soutient directs ou non, se ruaient sur le sujet. Cela donnait une concentration de force et de puissance médiatique d’une efficacité redoutable. Et dès que le buzz était passé, un nouveau front pouvait s’ouvrir ailleurs.
10. Ne pas chercher la victoire militaire mais politique
Cette campagne n’a jamais menacé l’intégrité des médias américains. Elle n’a jamais menacé de causer un effondrement des empires des magnats de la presse, ni d’empêcher la publication de leurs informations. Elle ne le pouvait pas et ce n’était pas son but. Tout comme les Viêtminh, le FLN ou d’autres ne pouvaient détruire les armées en face d’eux, les activistes alt-right n’avaient pas les moyens de se substituer aux médias mainstream.
Mais, à travers leur campagne, ils ont réussit à les déborder, à gagner politiquement l’électorat américain, en bref à gagner la partie politique. Bien que anti-establishment, ils ont formé un nouvel establishment autour de leurs mots d’ordres, de leurs conceptions nébuleuses xénophobes et réactionnaires. C’est un aspect qui est fondamental, c’est là où ils ont été victorieux.