Les femmes égyptiennes résistent toujours

Les femmes utilisant TikTok sont des travailleuses ordinaires ou des femmes de la classe moyenne. En raison de la façon dont elles s’habillent et s’expriment, le gouvernement considère qu’elles violent ce qui est autorisé par leur classe sociale et les « valeurs familiales égyptiennes ».

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Les causes profondes qui ont enflammé la révolution il y a dix ans, du chômage à la corruption en passant par la brutalité policière, les profondes inégalités et les discriminations se sont approfondies. L’État égyptien actuel est d’ailleurs bien plus brutal que ses prédécesseurs et réprime quiconque est lié à la révolution.

Tout le monde est dorénavant une cible. Le régime militaire a conduit à une militarisation de la société dans laquelle quiconque ne correspond pas aux normes sociales dominantes peut être emprisonné, par exemple les femmes « TikTokers »1. Certaines d’entre elles sont toujours en prison, accusées de « violation des valeurs égyptiennes » et de « traite d’êtres humains ».

Les femmes utilisant TikTok sont des travailleuses ordinaires ou des femmes de la classe moyenne. En raison de la façon dont elles s’habillent et s’expriment, le gouvernement considère qu’elles violent ce qui est autorisé par leur classe sociale et les « valeurs familiales égyptiennes ».

L’État n’est pas le seul à réprimer les femmes

Il y a dix ans, à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, des civils ont attaqué des femmes manifestantes. En mars 2011, des manifestantes ont même été contraintes à se soumettre à des tests de virginité par l’armée. Abdelfattah Al-Sissi, alors chef du renseignement militaire et aujourd’hui président, a justifié l’usage de ces tests à Amnesty International « pour protéger l’armée contre d’éventuelles allégations de viol ».

Il y a eu des centaines de cas d’agressions sexuelles de masse et de viols collectifs, y compris avec des objets, documentés lors de manifestations entre 2012 et 2014. Une multitude de femmes se sont exprimées sur ces crimes, mais de nombreux partis et coalitions de jeunes révolutionnaires ont tenté de les faire taire ou de rejeter ces accusations au motif qu’elles étaient organisées par la police et/ou le parti au pouvoir.

Face à la répression, les femmes ripostent

Les femmes ont malgré tout brisé de nombreux tabous et ont réussi à faire inscrire des crimes comme les agressions sexuelles de masse et les viols collectifs à l’ordre du jour du débat public. De nombreuses initiatives locales contre les violences sexistes et sexuelles ont été créées entre 2012 et 2014. Ces mobilisations ont contribué à accroître la pression et à changer le discours dominant, tout en forçant le gouvernement à criminaliser enfin le harcèlement sexuel en 2014.

Depuis juillet 2020, l’Égypte a été témoin d’une autre vague #MeToo, avec de jeunes générations de femmes qui s’expriment sur les réseaux sociaux, brisant les tabous et (ré)affirmant leur autonomie sur leur corps. Elles demandent que justice soit faite contre les violences et les discriminations qu’elles ont subies. Cette mobilisation ne prend pas sa source au sein des cercles habituels d’activistes, ni de groupes politiques, mais plutôt de segments sociaux qui ne se mobilisaient pas activement auparavant.

Elles se sont mobilisées en ligne, mais ont néanmoins réussi à susciter suffisamment d’indignation au sein de la société pour forcer l’État à quelques mesures contre les violences sexuelles, même si elles sont largement insuffisantes. Plusieurs d’entre elles ont poursuivi leurs agresseurs en justice.

De nombreuses femmes ont créé des blogs et des pages sur les réseaux sociaux pour dénoncer publiquement les violeurs et les hommes qui agressent les femmes. La honte et la dénonciation à l’encontre des agresseurs sont l’une des tactiques les plus efficaces et les plus rapides pour les femmes pour éviter les attaques patriarcales et misogynes qu’impliquent les voies juridiques conventionnelles.

Selma H.

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