La double peine subie par les populations amérindiennes face au COVID-19

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La pandémie du COVID-19 se propage aux Etats-Unis et les peuples amérindiens sont particulièrement vulnérables à ce virus. Le 24 mars, Indian Country Today a signalé 40 cas confirmés, dont 29 dans la réserve de la nation Navajo. La première personne à mourir du virus dans l’Oklahoma était un citoyen de la Nation Cherokee de l’Oklahoma. Le 1er avril, le nombre de cas identifiés par le «Indian Health Services» était passé à 276, et 14 décès confirmés; 214 d’entre eux se trouvent sur la réserve de la nation Navajo. Les conditions de vie désastreuses de nombreux Amérindiens et le manque de ressources allouées aux Premières nations augmentent la probabilité de contracter le COVID-19 et d’en mourir.

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La population des Indiens d’Amérique et des Indigènes de l’Alaska (American Indian, AI; Alaska Native, AN) s’élève depuis peu à 2% de la population américaine. Cette croissance de leur nombre se fait jour après plus de 500 ans d’un incessant génocide, marqué de pandémies et d’inoculations de maladies.

42% des Amérindiens et des Indigènes de l’Alaska ont moins de 25 ans. Pour les nations indigènes, les conditions de vie de leurs jeunes sont particulièrement importantes. Les conditions actuelles sont sombres et pourraient confronter les premières nations à une diminution de leurs ressources et de leur influence dans les années à venir.

Pour les Indigènes, le risque de vivre dans la pauvreté est plus grand que pour les non-indigènes. En 2016, 26,2% d’entre eux vivaient dans la pauvreté alors que le taux de pauvreté global aux Etats-Unis était de 14%.

Ces chiffres varient selon les Premières nations. Les Oglala Lakota de la réserve de Pine Ridge, par exemple, ont des taux de pauvreté nettement plus élevés. Quatre-vingt-dix-sept pour cent des résidents de Pine Ridge vivent sous le seuil de pauvreté fédéral américain. Le revenu médian des ménages sur cette réserve se situe entre 2600 dollars et 3500 dollars par an, avec un taux de chômage de 90%. A l’exception de Haïti, la réserve de Pine Ridge a l’espérance de vie la plus faible de l’hémisphère occidental: 48 ans pour les hommes et 52 ans pour les femmes.

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Les Premières nations vivant dans les zones reculées souffrent de pénurie. Pour elles, l’accès à la nourriture et aux fournitures indispensables est plus difficile et beaucoup plus cher. Deux cent vingt-neuf des cinq cent soixante-quatorze Premières nations reconnues par le gouvernement fédéral se trouvent en Alaska.

Kevin Allis, PDG du «National Congress of Indian Americans NCAI» a déclaré – à l’occasion d’une conférence de presse le 20 mars – que les villages de l’Alaska dépendent des marchandises livrées par avion, ou par camion sur des routes glacées. Dans ces communautés éloignées, ces circonstances augmentent le risque d’introduire le COVID-19 ou d’autres maladies. Le manque d’infrastructures dont pâtissent ces populations implique une «réduction» de leurs communautés pendant cette crise.

Les 183 écoles du «Bureau of Indian Education (BIE)» accueillent 48’000 élèves. Mais les écoles du BIE ne peuvent pas accueillir tous les élèves indigènes vivant sur les terres originales, d’autres écoles gérées par des clans scolarisent des enfants. Le nombre de jeunes non scolarisés s’élève à plus de 48’000. Diana Cournoyer, directrice exécutive de la «National Indian Education Association NIEA», a déclaré à l’occasion d’une audition du NCAI que 37% de ces élèves des écoles du BIE n’ont pas d’accès à Internet, ce qui rend l’apprentissage en ligne impossible. Leur année scolaire sera nulle.

«Même de gros bosseurs ne peuvent rien faire, s’ils sont privés d’accès à Internet», a déclaré Cournoyer. Les écoles étant fermées, de nombreux élèves doivent également se passer de nourriture. Le petit-déjeuner, le déjeuner et une collation leur étaient donnés par les écoles.

Dante Desiderio, directeur exécutif de la «Native American Finance Officers Association», a expliqué lors de cette conférence de presse que les jeunes autochtones ayant dépassé l’âge de vivre en famille d’accueil et désormais inscrits au collège sont retirés des dortoirs pré-universitaires. Ils n’ont plus aucun endroit où se rendre.

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David Simmons, directeur des affaires gouvernementales et de la défense des intérêts à la «National Indian Child Welfare Association», a déclaré à Truthout que les jeunes autochtones qui vivent de façon autonome sont également confrontés au risque de licenciement. «Certains de ces jeunes peuvent ne pas avoir d’endroit où aller ni d’autres possibilités d’emploi. Il en est ainsi des jeunes qui ont quitté leurs familles d’accueil», a déclaré Simmons.

Selon la «National Youth in Transition Database», 27% des jeunes Indigènes ayant quitté les services de placement familial à 21 ans ont subi une période sans abri au cours des deux dernières années. Simmons a déclaré à Truthout que le nombre de ces jeunes était probablement sous-estimé, comme le sont souvent les données sur les Premiers peuples.

Un manque de logements sûrs et adéquats est un risque de propagation potentielle du COVID-19. Allis a expliqué au cours de la conférence de presse que les foyers des Indigènes dans les réserves ont une probabilité huit fois supérieure d’être surpeuplés à ceux des ménages non indigènes. Ces foyers sont souvent multigénérationnels, très jeunes et aînés vivent dans un seul foyer, risques accrus pour les personnes les plus vulnérables au virus. Beaucoup de ces maisons manquent d’eau courante propre, leurs habitants ne peuvent donc pas se laver les mains, ni nettoyer correctement leurs foyers pour empêcher la propagation du COVID-19. La question du logement est dans un état si terrible que, selon le NCAI, le «pays» de ces populations amérindiennes aurait besoin de plus de 33 milliards de dollars pour faire face à leurs besoins en matière de logement.

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Certains, au sein des communautés autochtones, sont encore plus vulnérables, les personnes LGTBQIA+, souvent plongées dans des situations dangereuses. Le confinement sur place peut les exposer d’autant plus au danger qu’elles doivent subir l’intolérance à la maison, a déclaré Tavi Hawn, de la «Eastern Band Cherokee». Ce thérapeute en santé mentale auprès de «Native American Lifelines» dispense des services de santé essentiels à la population amérindienne de Baltimore et de Boston. Les taux de violence domestique risquent également d’augmenter.

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La population amérindienne était frappée par la crise sanitaire avant la pandémie du COVID-19. L’espérance de vie des Amérindiens et des Indigènes de l’Alaska est de 4,2 ans inférieure à la population totale des Etats-Unis, et cette différence est beaucoup plus prononcée dans certains clans. Les taux de maladies chroniques et les handicaps y sont également plus élevés, et ces conditions augmentent le risque de contracter le COVID-19. Ainsi, le taux de diabète est trois fois supérieur à la moyenne nationale. De même que les chiffres concernant les taux de pauvreté et le logement, ces données varient d’une communauté à l’autre. Les Hawaïens autochtones âgés de 19 à 35 ans ont un risque plus de cinq fois supérieur aux non-Hawaïens de souffrir du diabète. Dans certaines régions, Amérindiens et Indigènes de l’Alaska courent deux fois plus de risques d’être infectés et hospitalisés pour la pneumonie, la bronchite et la grippe que la population générale.

IHS, le Service de santé indien, est le «premier système de santé de soins prépayés au monde», a déclaré Stacy Bohlen, PDG du «National Indian Health Board NIHB» (Service de santé de la nation amérindien, SSNA) lors de la conférence de presse du 20 mars. Ces services ont été payés avec les vies, les terres et les ressources des Indigènes. Le gouvernement américain a signé un traité et il porte la responsabilité de fournir ces soins médicaux.

IHS dessert 2,5 millions d’Autochtones, dont plus du quart ne sont pas assurés; le double du taux national aux Etats Unis. Le budget annuel de l’IHS est inférieur à 1/6 de ce que les chefs claniques estiment nécessaire pour financer entièrement le système de santé. Cela représenterait plus de 10 milliards de dollars.

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Le manque de financement n’est pas le seul problème auquel l’IHS est confronté. Il manque de personnel et d’installations, de fournitures et d’équipement, ainsi que de tests COVID-19, et de laboratoires pour les traiter. Poids supplémentaire sur les épaules d’un personnel déjà surchargé, près de 200 de ses fonctionnaires de santé ont été affectés à des déploiements COVID-19. En effet, les fonctionnaires de la «Commissioned Corp du U.S.Public Health Service» fournissent une aide médicale supplémentaire pendant les périodes de crise de santé publique, ce qui aggrave les pénuries de personnel dans les établissements IHS. Et pourtant les clans doivent toujours payer les salaires de ces fonctionnaires même lorsqu’ils ne leur dispensent plus de soins.

La Dresse Katherine Crocker (Kaw Nation), biologiste à la «Mailman School of Public Health School» de l’Université Columbia, a déclaré à Truthout qu’en raison du «racisme médical», les autochtones n’étaient pas priorisés, ce qui prétéritait leur accès aux ressources contre le COVID-19. IHS a affirmé être en mesure de fournir des kits de test, mais les chefs de tribus démentent.

Dans un communiqué de presse du mercredi 1er avril, le président de la nation Navajo, Jonathan Nez, a déclaré: «Nous sommes depuis deux semaines dans cette pandémie et nous avons besoin de beaucoup plus de kits de test, nous avons besoin de laboratoires pour les traiter dans nos communautés afin d’obtenir des résultats beaucoup plus rapidement.»

Le SSNA a procédé à une rapide enquête auprès des clans pour évaluer leurs besoins contre le COVID-19. Parmi les 197 qui lui ont répondu, six seulement disposaient de kits de tests de diagnostic, mais aucune ne les avait utilisés. Quatre-vingt-deux pour cent des clans ont répondu qu’ils n’avaient pas reçu de trousses de diagnostic COVID-19, 24 pour cent seulement ont affirmé pouvoir mettre en quarantaine les personnes testées positives. Alors que les gouvernements fédéral et des Etats renflouent des firmes, 66% des tribus ont déclaré qu’elles n’avaient pas reçu de ressources du gouvernement fédéral et 68% qu’elles n’avaient pas reçu de ressources de l’Etat.

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Les politiciens américains n’ont pas satisfait les demandes des nations amérindiennes. Actuellement, il n’y a même pas de représentant IHS au sein du groupe de travail sur le coronavirus de la Maison Blanche. Le financement est insuffisant. Seuls quarante millions de dollars ont été alloués aux «Centers for Disease Control and Prevention (CDC)» (Centre de contrôle et de prévention des maladies infectieuses) pour les distribuer aux IHS, aux centres de santé claniques et aux centres urbains indiens, en vertu de la «Coronavirus Preparedness and Response Supplemental Appropriations Act» la loi sur les crédits supplémentaires pour la préparation et la réponse aux coronavirus.

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Le 20 mars, une autre tranche de 40 millions de dollars a été allouée au CDC pour être distribués à IHS. Non seulement ces sommes sont largement inférieures aux besoins des clans, mais le CDC n’a toujours pas commencé à distribuer ces fonds.

«C’est vraiment diabolique» de ne pas financer les Premières nations pendant une pandémie, a déclaré Hawn à Truthout. «L’administration ment quand elle dit qu’elle finance les communautés tribales.» La Coronavirus Relief Law (CARES Act), promulguée lundi 30 mars, a alloué environ 10 milliards de dollars aux Premières nations et aux programmes fédéraux qui les desservent. Mais, les compagnies aériennes, à elles seules, ont reçu 60 milliards de dollars en renflouements.

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Soixante et onze pour cent des Amérindiens et des Indigènes de l’Alaska vivent en zones urbaines, mais seulement 1 pour cent du budget de l’IHS est attribué aux centres de santé indiens urbains. Kerry Hawk Lessard, directeur exécutif du «Native American Lifelines», a déclaré à Truthout que ces centres ne pouvaient pas compter sur les responsables de la santé du Massachusetts ou du Maryland pour recenser correctement les Indigènes, de sorte que les fonds sont rarement alloués aux soins urbains.

Le recensement de 2020 va encore aggraver le sous-financement à venir. Les Amérindiens et les Indigènes de l’Alaska sont le groupe racial le plus sous-estimé dans le recensement. Beaucoup vivent dans ce que le «Census Bureau» (Bureau de recensement) considère comme des secteurs difficiles à recenser. Un recensement précis en pays indien exige d’être effectué en tête à tête. Mais cette procédure a été interrompue en raison du COVID-19.

Le manque d’accès à Internet et à la technologie sur les terres claniques empêche de nombreuses personnes de remplir le recensement en ligne.

Même pour les Autochtones urbains pouvant théoriquement accéder à Internet, le nombre élevé de pauvres oblige beaucoup d’entre eux à utiliser des ressources gratuites, celles que dispensent bibliothèques et centres communautaires. Désormais fermés en raison de la pandémie.

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Le Bureau du recensement a assuré à Truthout travailler avec les clans, mais il n’a en rien précisé comment il faisait pour soutenir les tribus pendant la pandémie de COVID-19.

Allis a déclaré au cours de la conférence de presse que «le peuple indien sera confronté à 10 autres années de recensement faussé». Ces données sont utilisées de multiples façons, parmi lesquelles la représentation politique et le financement. Un manque de données précises issues du recensement pourrait prolonger le cycle de misère que subissent de nombreux Indigènes. Et maintenir l’état de sous-préparation de leurs communautés pour toute pandémie future.

Ce n’est pas la première pandémie que les peuples autochtones ont connue, et le savoir ancestral pour y survivre repose au sein des Premières nations. Malgré leur condition actuelle, Hawn souhaite rappeler aux autochtones de «se concentrer sur leur génie et sur les choses qu’ils ont toujours su faire pour survivre».

Jen Deerinwater est membre du peuple Cherokee
(Article publié sur le site Truthout en date du 4 avril 2020; traduction rédaction A l’Encontre)