Les réfugiés sans refuge à Paris. De l’opération de mise à l’abri “humanitaire” à la chasse à l’homme
UPDATE : 23 novembre 2020 - 20h
Hier, l'innommable s'est produit. Charges violentes, gazages, humiliations, évacuation de la rue vers la rue : l'opération de mise à l'abri "humanitaire" s'est vite transformée en chasse à l'homme. Toute la nuit, les persécutions ont continué, ne laissant aucun répit à ces centaines de personnes qui n'ont pas dormi depuis 48h. Et ce matin encore la police continuait ses violentes persécutions, en tentant de disperser les "restants". MAIS ILS N'ONT NULLE PART OÙ ALLER! Partout où ils vont on leur dit dégagez !
Nous dénonçons avec force la politique d'INVISIBILISATION des exilés en Ile-deFrance, qui a conduit à l'établissement de ce campement de la honte aujourd'hui démantelé.
Nous dénonçons avec force la présence policière qui interdit aux exilés l'accès à Paris et à ses ressources et demandons expressément la protection de madame Hidalgo.
Nous dénonçons avec force la politique d'évacuations successives SANS SOLUTION DURABLE pour les exilés, qui leur dénie dignité et accès aux droits fondamentaux.
Enfin, nous dénonçons fermement aujourd'hui, en tant que témoins directs, la DÉSORGANISATION et la VIOLENCE de cette opération pourtant présentée comme humanitaire.
Ne rien lâcher. Toujours recommencer. Malgré les larmes, la frustration, l'écœurement, la rage au ventre. On était là hier et on sera là, encore et encore.
Solidarité Migrants Wilson
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LE COMMUNIQUÉ EN INTÉGRALITÉ
Charges violentes, gazages, humiliations, évacuation de la rue vers la rue : De l’opération de mise à l’abri “humanitaire” à la chasse à l’homme
Les voisins et citoyens du collectif Solidarité Migrants Wilson apportent leur aide depuis plusieurs années aux exilés du nord parisien. Nous avions déjà dénoncé le cycle destructeur et sans fin des évacuations, simulacres de mise à l’abri où, au bout de quelques jours ou de quelques semaines, les personnes se retrouvent de nouveau à la rue mais dépossédées de tout abri et des précieux liens sociaux et solidaires qui étaient leurs seuls biens*.
Ce mardi 17 novembre, un pas supplémentaire a pourtant été franchi en matière de violence institutionnelle.
L'évacuation a commencé avant 4h du matin, avec une organisation particulièrement inadaptée : à 12h, des centaines de personnes n'avaient toujours pas pu accéder aux bus spécialement affrétés.
Quand il a été avéré qu'il n’y aurait pas de place pour tous, les 500 à 1000 exilés restés sur place, ainsi que les associatifs qui les accompagnaient, ont été nassés par la police au mépris de toute mesure de distanciation physique. Pendant de longues heures, tout mouvement leur a été interdit, y compris la satisfaction des besoins élémentaires d’accès à l’eau et à des sanitaires.
Enfin tous ces oubliés de l’évacuation ont été sommés de se rassembler en un cortège impressionnant, lancé à pied sous escorte policière en direction de la Porte de la Chapelle. Tout au long de l’avenue du Président Wilson à Saint-Denis, un dispositif policier implacable a procédé à la dispersion du cortège à grand renfort de gaz lacrymogènes et de “sommations avant usage de la force”.
Des habitants, choqués, ont décrit des "scènes de guerre" se prolongeant dans toutes les rues voisines. L’objectif ? ce que la sous-préfète appelle une “évacuation du camp vers la voie publique”. Très clairement, il s’agissait d’éparpiller toutes les personnes que l’action publique n’avait pu évacuer.
Les charges successives ont fini par disperser les exilés démunis, désorientés et choqués dans le quartier de la Plaine et autour de la place du Front Populaire à Saint-Denis, et Porte de la Chapelle à l’entrée de Paris, à l’Ile Saint-Denis et Aubervilliers. Il y a eu des blessés (perte de connaissance, contusions, fractures, etc.) Beaucoup de personnes ont perdu leurs effets personnels ainsi que tous leurs papiers dans les charges successives.
Des exilés qui avaient pu monter dans des bus affrêtés par la Préfecture nous ont informés en avoir été débarqués quelques centaines de mètres plus loin et refoulés sans plus d’explications ni de ménagement vers la Porte de la Chapelle.
Les policiers ont continué à intervenir jusqu’au soir, pour repousser les petits groupes déjà éparpillés. De l'autre côté du périphérique, des policiers parisiens interdisaient aux exilés l’accès à la capitale ; sur Saint Denis d’autres policiers leur enjoignaient au contraire de partir vers Paris, leur suggérant même de prendre le métro pour éviter les barrages de leurs confrères.
Nombre de ces hommes attendaient depuis mi-août cette évacuation. Sur le campement de Saint-Denis, la plupart des gens ne pouvaient se rendre à Paris, à leurs rendez-vous médicaux et administratifs ni aux maraudes alimentaires et ont de ce fait connu la faim. Plusieurs exilés sont décédés dont deux au cours des 10 derniers jours (un au moins n’avait pas mangé depuis 2 jours).
Ce 17 novembre, les tentes et couvertures ont été détruites par la Préfecture. Dans la soirée nous avons organisé des maraudes qui se sont rendues dans différents lieux sur plusieurs communes et nous avons distribué 900 repas à des personnes frigorifiées et en état de choc. Avec l’association Utopia 56 nous avons réussi à distribuer 300 à 400 couvertures. Des policiers ont photographié les plaques d’immatriculation de nos véhicules.
Le campement de la Porte de Paris était indigne, ils ont à présent moins que cela.
Nous dénonçons avec force la politique d’invisibilisation des exilés en Ile-de-France, qui a conduit à l’établissement de ce campement de la honte aujourd’hui démantelé.
Nous dénonçons avec force la présence policière qui interdit aux exilés l’accès à Paris et à ses ressources et demandons expressément la protection de Mme Hidalgo.
Nous dénonçons avec force la politique d’évacuations successives sans solution durable pour les exilés, qui leur dénie dignité et accès aux droits fondamentaux.
Enfin, nous dénonçons fermement aujourd’hui, en tant que témoins directs, la désorganisation et la violence de cette opération pourtant présentée comme humanitaire.
* voir les chiffres du questionnaire du Secours Catholique et d’Utopia 56 (juillet 2020), notamment :
65% des personnes interrogées ont été vécu plusieurs évacuations ;
45% des personnes qui ont été hébergées suite à une évacuation l’ont été pendant moins d’un mois ; 25% ont été remises à la rue le jour même.