Chroniques de la répression judiciaire invisible

En marge de l'urgence médiatique créé par la violence policière immédiate, et tellement visible désormais, il y a l'autre violence, celle qui s'installe dans le temps, celle qui perdure à l'abri de nos regards qui pourraient légitimement s'indigner. La violence judiciaire. Celle qui, au secret des cellules et autres quartiers de détention, marginalise, isole, et stigmatise des êtres humains à vie.

Photo Nnoman

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Sujet tabou, la prison...

Cette violence là, on s'est demandés comment la traiter, dans une période si focalisée sur l'image choc, sur l'information en temps réel.

Car elle appartient à un monde cadenassé, secret, et bien difficilement accessible.
Et c'est bien pour cela, qu'elle est si inexorable.
Bien souvent, seul(e)s les proches, la famille, l'entourage, y ont accès.

A Toulouse, la défense collective a récemment publié des "numéros d'écrous" de détenus Gilets jaunes, afin de permettre à chacun d'entre nous de leur envoyer des lettres de soutien.

A Paris, Antonin Bernanos, détenu en isolement pour raison de militantisme tenace, en fait les frais.

Une des techniques de déstabilisation dont use l'appareil judiciaire, est le transfert dans d'autres prisons, alors même qu'un détenu a enfin pu prendre (ironie du terme) ses marques (permis de visites accordés, études autorisées...)

Et puis, on les déplace ailleurs, et tout est à refaire...

Le terme exact pour cette technique est "torture blanche"...

Antonin lui, avait pu accéder à des études (il était étudiant avant son incarcération) et enfin avoir le droit de voir sa mère, Geneviève Bernanos, avec laquelle nous avons pu échanger sur ce sujet.

Mais las, le juge décide soudain de le transférer sur une autre prison, celle de la Santé, il y a tout juste quelques jours.

Antonin avait dit a sa mère que Fresnes semblait très embarrassé des conditions de détention qui lui avaient été imposées, et sa mise à l'isolement... Qu'est ce qui, dans le profil de ce jeune étudiant, nécessitait cette mise à l'isolement * ?

L'isolement est destiné aux terroristes, transsexuels, policiers "ripoux" etc... en gros les prisonniers "fragiles" de par leur situation individuelle.

Cela laisse rêveur sur le traitement tout particulier infligé à des personnes détenues pour des motifs politiques. Les gilets jaunes emprisonnés en masse depuis le 17 novembre 2018 en savent sans doute quelque chose.

Il est urgent de nous saisir de l'urgence de ne pas oublier tous ceux là.

Ces hommes et ces femmes mis sous clé pour leurs actions militantes, pour s'être opposés à un système qui tombe quotidiennement le masque.

Pour Antonin, pour tous les autres, ceux dont ne sait même plus ce qu'ils deviennent, pas d'oubli, pas d'oubli, pas d'oubli.

"La flèche que tu lances contre un juste reviendra sur toi." (anonyme)

Nathalie Athina, le 1 juillet 2019

* "...Le 15 avril 2019, huit personnes sont interpellées et placées en garde à vue. On leur reproche une altercation avec des membres des groupuscules d’extrême-droite Zouaves Paris, Milice Paris et Génération Identitaire dont l’un des membres est par la suite allé déposer plainte au commissariat de police. Parmi elles, cinq personnes seront mises en examen dont Antonin Bernanos, figure du milieu antifasciste parisien déjà inquiétée et condamnée dans l’affaire du Quai de Valmy. Quatre sortiront de garde à vue avec un contrôle judiciaire alors qu’Antonin Bernanos sera immédiatement incarcéré à Fresnes sous le régime de la détention provisoire. En attendant qu’une juge d’instruction mène l’enquête sur cette terrible affaire de bagarre, le jeune Bernanos est soumis à un régime carcéral particulier. Placé à l’isolement depuis deux mois, toute activité sportive ou professionnelle lui est interdite et il n’est pas en mesure de poursuivre son cursus scolaire..."

https://lundi.am/Antonin-Bernanos-en-detention-preventive-e…

Photo NnoMan