Samedi, c'était le bal jaune. Par Nathalie Athina

bal.jpg

Samedi, c'était le bal jaune.

On avait navigué un peu au hasard comme chaque samedi depuis 6 mois, dans les rues parisiennes, par une chaleur déjà bien intense, toute la journée pour certains.

Cela fait maintenant 3 ans maintenant que nous sommes sans discontinuer sur le bitume.
Nous nous battions déjà contre la loi travail en 2016, et nous n'avons jamais cessé de sortir dans la rue depuis.

Des manifs, des actions, des marches interminables, des espoirs souvent déçus, de petites victoires parfois, mais une détermination toujours intacte.

Et une répression omniprésente.

Hier c'était le bal jaune, c'était juste une soirée comme d'autres après une après midi d'action fatigante...

Une soirée ou on se retrouve tous ensemble, pour parler, pour danser, pour oublier un peu, et pour se sentir en famille.

J'ai du mal à vraiment réaliser que cela fait 3 ans...
3 ans que le "mouvement social" comme on dit, a commençé.
3 ans de luttes acharnées.

Des postiers engagés dans une grève illimitée historique par sa durée, des GEODIS, des Monoprix, des femmes de chambre, des agents de nettoyage, des Adama, des ....non, impossible de faire une liste exhaustive tellement elle serait sans fin.

Des rencontres fortes avec des palestiniens en lutte, des échanges inoubliables avec de vrais guerriers ailleurs dans le monde, mais comme nous, somme toute, des humains en lutte.

Mais aussi des peines, des rages, des colères.

Hier c'était le bal jaune.

Le jaune a fait son entrée sur le terrain des luttes, un certain 17 novembre 2018.

Il ne payait pas de mine ce gilet.

C'est celui que je porte tous les jours au boulot, ce gilet dont un type ( un certain K.Lagerfeld, mort depuis) disait : " ce gilet est moche mais il peut sauver une vie"

Et pourtant.

Il est désormais devenu un symbole. Celui de la lutte des classes.
L'accessoire des gueux, des sans dents, l'accessoire de ceux qui n'ont rien.

Il a été chahuté, renié, critiqué, sali. 
Il était trop violent pour ceux qui se croyaient depuis des décennies, porteurs du vrai message de la lutte des classes.
Aujourd'hui on en est là.

C'est le bal jaune.

Un des moments ou on reprend sa respiration, on on ose croire que tout est possible.

Des bals jaunes, il y en a partout, et tout le temps.
Ce sont ces moments de récupération, ou on se dit que tout est possible, qu'en vrai, rien ne s'obtient en un clin d'œil, et que oui, on est en train d'atteindre le point de non retour.

Le temps est une donnée parfois absurde, qui nous empêche de voir une réalité implacable, parce qu'on est trop pris dans l'urgence de l'instant présent.
Un monde dominé par la soif de profit.
Un monde ou la recherche effrénée du confort, la consommation à outrance, la destruction de notre planète sont l'objectif suprême.
Un monde ou la violence se banalise, ou l'on s'anesthésie malgré soi face à la douleur et la souffrance.

Mais c'est ce monde là dans lequel je vis, et je le veux meilleur, idéaliste suis je ?

Et les bals jaunes, sont ma seule option pour continuer à respirer... un peu.

Hier c'était un bal jaune, et les bleus ( ceux qui sont le dernier rempart contre les gens, vous savez) sont venus.
Même là, ils sont venus. 
Casqués, harnachés, envoyés par leurs "chefs" inquiets, ils sont venus tenter d'éteindre notre joie, notre envie de vivre.
Les "chefs" inquiets ont de quoi se faire du souci, parce que les graines que nous sommes, ne peuvent plus désormais rester invisibles.

Ils ne pourront pas, parce que nous allons nous organiser, parce que nous n'avons rien à perdre en fait.

Nous le ferons, un jour ou l'autre. Qu'on se le dise.

Nathalie Athina, le 24 juin 2019