Les révélations de "The Intercept" devraient conduire à réouvrir le procès Lula

comment.jpg

Les responsables de l’enquête anticorruption « Lava Jato » (Lavage express) au Brésil auraient bien manœuvré pour empêcher le retour de l’ex-président de gauche Lula au pouvoir en 2018 en le faisant condamner pour corruption sur la base de preuves qu’ils reconnaissaient eux-mêmes douteuses dans leurs conversation privées. Les révélations faites par le site The Intercept en anglais et en portugais, fondées sur des échanges sur Telegram entre les procureurs et Sergio Moro, le juge devenu Ministre de la Justice du gouvernement Bolsonaro, ce qui en dit déjà long sur son impartialité, sont parmi les plus importantes de l’Histoire du journalisme au Brésil. Dans l’attente de plus d’analyse, voici quelques traductions pour vous rafraîchir la mémoire

En 2018, l’ancien président du Brésil Luiz Inácio « Lula » da Silva avait été condamné à l’unanimité, en seconde instance, dans une procédure judiciaire qui mime par son caractère fallacieux et farcesque la procédure parlementaire qui a destitué en 2016 la présidente Dilma Rousseff. Précipitée, courue d’avance, sans preuves matérielles, médiatisée et truffée de vices de procédure.

L’aboutissement du procès entamé en 2014 par le juge devenu Ministre de la Justice, Sergio Moro, concrétise une nouvelle étape du coup d’État parlementaire et juridique. La condamnation de Lula, sans preuves, sonne le glas des institutions d’une démocratie formelle alors que d’autres politiciens négocient leur impunité, entre initiés. Les juges s’érigent en compas moral d’un autoritarisme des instances judiciaires bien connu des couches populaires brésiliennes. Condamné, Lula ne disputerait pas les élections de 2018, ouvrant la voie à l’hégémonie réactionnaire des partis de la vieille oligarchie brésilienne, mais aussi de ses nouvelles métastases d’une extrême droite nostalgique des Juntes Militaires (le Mouvement Brésil Libre, le projet École Sans Parti et l’ascension du député fédéral Jair Bolsonaro : devenu Président de la République ).

Le rôle des médias n’est pas anodin et encore moins celui des éditocrates.

En attendant, Autres Brésils a continué son travail de décryptage de l’actualité et de la démocratie brésilienne : voici quelques lectures conseillées.

L’incarcération de Lula : Emblème du lawfare à la brésilienne

de Carol Proner le 9 avril 2019

Il y a un an, Lula était incarcéré. Son arrestation représente la plus grande fraude juridique de l’histoire du Brésil. L’"affaire Lula", une série d’actes criminels contre l’ancien président, est déjà considérée comme un modèle de lawfare contemporain, consistant à utiliser le système judiciaire pour persécuter des dirigeants politiques. 
Au Brésil, par action et par omission, le pouvoir judiciaire continue de refuser à Lula le principe pourtant sacré de « présomption d’innocence », le droit primaire d’être présumé innocent jusqu’à ce qu’un tribunal équitable, qui prononce un jugement basé sur des preuves solides, rende une sentence justifiée.

Retour sur la condamnation de Lula

de Frei Betto 21 août 2017

L’ancien président Luiz Inácio Lula da Silva a été condamné le 12 juillet dernier à 9 ans et 6 mois de prison par le juge Sergio Moro. A la différence des autres condamnés en première instance dans le cadre de l’opération Lava Jato, Moro n’a pas envoyé en prison préventive le plus exceptionnel des dirigeants politiques du Brésil. Il a expliqué que « la prudence recommande d’attendre le jugement » pour éviter « certains traumas ». C’est à dire, pour éviter une mobilisation populaire de soutien à Lula.

Dans le Brésil du juge Moro

de Kakie Roubaud Agencia Brasil le 18 mars 2016

Un juge fédéral transformé en héros met la démocratie en danger et il soulève l’indignation d’une partie de la société brésilienne. L’avocat Wadih Damous, président de la Commission Vérité chargée d’enquêter sur les crimes de la dictature, dénonce les graves irrégularités commises par le juge Moro dans la plus vaste opération anti-corruption jamais réalisée.

Le rôle de la TV Globo dans les poursuites judiciaires contre Lula

de Bia Barbosa, Carta Capital 16 mars 2016

Le journal télévisé a octroyé une large place aux hypothèses de la police, a tout tenté pour étouffer la voix de Lula, a défendu le « marché » et a passé sous silence la violation des droits dont l’ex-président a été victime. La chaîne continue pourtant à recevoir de grasses subventions du gouvernement de Dilma Rousseff.

« Les délations et les fuites sélectives créent un État d’exception »

interview de Tarso Genro Sul21/Carta Maior 15 février 2016

Lors d’une interview accordée à Sul 21, Tarso Genro soutient l’idée que ce qui se produit couvre un processus plus complexe d’attaque à la politique en général, de criminalisation des partis et tout particulièrement de ceux qui ont été ou qui forment la base du Gouvernement. Mais ce processus commence également à atteindre l’opposition elle-même. Dans ce "nouveau mode de fonctionnement de l’État de Droit" affirme-t-il, "l’action produit le droit" ignorant la Constitution. Et il ajoute : "La situation devient plus grave quand on voit que la grande majorité des médias nationaux, propriété des quelques riches familles, apportent un appui pratiquement inconditionnel à cette « exception » non déclarée et qu’aujourd’hui, leur objectif principal est la destruction de l’image du Président Lula".

Autres Brésils