Debout l'Algérie ! Le peuple algérien a clairement signifié qu’il souhaitait la rupture avec le système
Des dizaines de milliers d’Algériens sont sortis dans la rue de manière festive et pacifique ce vendredi 22 février à Alger et dans de nombreuses grandes villes du pays pour dire non au cinquième mandat du président Bouteflika. L’appel avait été lancé de manière anonyme sur les réseaux sociaux qui étaient jusque-là le principal foyer de protestation à la candidature d’un président qui n’a pas parlé à son peuple depuis 2013.
Manifestation anti-5ème mandat à Alger vue du tunnel des facultés © 290822201594285
Décrochage du portrait géant du président à la Grande poste © tariqnews
La manifestation survient après une série de marches et de sit-in réussis dans de nombreuses villes du pays depuis une dizaine de jours. Des milliers de personnes, jeunes en majorité, dénoncent quotidiennement et avec force le mandat de la honte et du déshonneur. Le mandat de trop.
Manifestation vendredi 22 février à Annaba © 2233923146625495
La diaspora n’est pas en reste puisque des milliers de personnes se sont réunies le 25 février à la place de la République à Paris à l’appel du collectif Debout l’Algérie.
L’accueil de plus en plus enthousiaste réservé par la jeunesse à l’activiste Rachid Nekkaz, qui sillonne le pays en quête des 60 000 signatures exigées par la loi, a également constitué un indice de la disposition de la population à ne pas accepter cette nouvelle mascarade. Rachid Nekkaz a réuni près de 10 000 personnes à Constantine. A Khenchela, lors de sa visite, la population a exigé le retrait d’une photo géante du président. Tout un symbole !
L’intérêt suscité par la candidature de l’ex-Général Major Ghediri, qui a clairement développé un discours de rupture avec le système a également offert au cours des dernières semaines une indication de la volonté des Algériens d’aller vers le changement.
Le rejet du régime s’est installé de manière progressive et croissante dans la société. Lors du 4ème mandat, quelques blogueurs avaient réussi à produire des clips anti-régime qui avaient attiré des millions d’internautes. Outre l’internet, les stades ont constitué depuis quelques années des lieux majeurs de contestation qui ne s’était cependant jamais propagée dans la rue, malgré quelques tentatives largement infructueuses et durement réprimées du mouvement Mouwatana, héritier du mouvement Barakat, qui s’était opposé au 4ème mandat de Bouteflika.
L’attitude du premier-ministre qui s’est permis de dire il y a quelques jours que le peuple algérien se réjouissait de la candidature de Bouteflika a également mis le feu aux poudres. Les moqueries des télévisions arabes et françaises sur le 5èmemandat ont pour leur part fortement alimenté le sentiment de honte des Algériens, qui constitue un des moteurs du mouvement de contestation.
La journée d’aujourd’hui représente un tournant pour l’Algérie. Ce peuple qu’on disait indolent, assisté, et dépolitisé à fait montre d’un haut degré de maturité politique en marchant de manière pacifique et festive dans toute l’Algérie, uni autour de son rejet du système en place. Il s’est mobilisé pour la dignité du pays malgré les tentatives désespérées du régime d’acheter son silence à travers des cadeaux de dernière minute comme l’annulation de la poursuite des jeunes pour crédits impayés ou la distribution à tout va de logements sociaux. Ce peuple a réussi, contre toute attente, à faire mentir les prédictions des commentateurs politiques et des partis d’opposition, tous deux décidément bien éloignées des masses, qui voyaient déjà la route de la présidence s’ouvrir toute grande pour Bouteflika.
Le peuple fait ainsi irruption dans l’arène politique de manière autonome en tirant parti de la force des réseaux sociaux qui, comme pour les gilets jaunes en France, mais avec la casse en moins, ont permis d’organiser la contestation.
Outre le caractère pacifique des manifestations, l’absence de slogans islamistes et également à souligner. Les manifestants qui sont pour la plupart sortis de la prière du vendredi se sont principalement contentés de dénoncer le 5ème mandat et la corruption du régime et de ses affidés.
Le soulagement et la fierté des Algériens ce soir, ne doit cependant pas masquer l’étendue de la tâche qui reste à accomplir pour transformer le sursaut populaire en changement institutionnel et politique durable. Il est ainsi évident que le régime, même très affaibli par l’état du président et semble-t-il par le retrait de son frère Saïd de la scène politique pour cause de maladie, ne se laissera pas mener à l’abattoir sans fortement résister. Trop d’intérêts sont en jeu pour ceux qui ont réussi depuis des décennies à bâtir d’énormes fortunes mal acquises, à l’ombre d’un régime basé sur le clientélisme, la corruption et la prédation.
L’attitude des services de sécurité, qui n’ont pas réprimé la foule, peuvent cependant laisser penser que certaines forces du système et l’Etat profond ont peut-être fait le pari qu’il était temps de se débarrasser de ce régime finissant et d’engager le pays sur la voie du redressement, avant qu’il ne sombre dans le chaos. Nous espérons également que les puissances occidentales arrêteront de soutenir un régime qui est aux antipodes des valeurs démocratiques et dont le maintien pose désormais à court-terme un grave risque pour la stabilité de l’Algérie et, par ricochet, de l’ensemble de ses voisins.
Quel que soit le rapport des forces au sein du système, il est plus que jamais urgent de maintenir l’unité du peuple et des forces patriotiques autour de l’objectif d’abandon par le président de sa candidature et de son non remplacement par un proche du clan Bouteflika. Nous appelons par la suite à la mise en place d’un gouvernement de transition qui sera chargé de réviser la constitution puis d’organiser des élections libres et transparentes. Le peuple algérien a clairement signifié aujourd’hui qu’il souhaitait la rupture avec le système. Celle-ci passera par l’instauration d’une seconde république, démocratique et sociale, qui remettra le pays sur sur la trajectoire que nos aînés avaient tracée en 1954, puis dans la plateforme de la Soumam de 1956.
Vive l’Algérie libre et démocratique
Gloire aux martyrs de l’indépendance et de la démocratie.
Farid Yaker, président de l’association Planet DZ, membre de Mouwatana
Membre du Collectif citoyen, Debout l’Algérie