Depuis l'élection de Bolsonaro, et avant même son investiture, une déjà longue liste d'attaques contre les populations indiennes et les sans terre

Tandis que le candidat d’extrême droite Jair Bolsonaro vient de gagner les élections présidentielles au Brésil, les temps à venir annoncent une répression et une violence accrues contre les communautés de sans-terre, d’Indiens et – plus généralement – contre tous les territoires occupés et espaces conquis par les luttes sociales. Ancien capitaine de l’armée et nostalgique de la dictature militaire, Jair Bolsonaro a toujours affiché sa proximité avec les grands propriétaires terriens et les lobbies de l’agro-business dont il représente les intérêts.

En ce sens, l’un des piliers de son programme politique est de mener une guerre contre les populations indiennes, les sans-terre et les « quilombolas » (communautés descendant d’esclaves afro-brésiliens) afin de reconquérir des territoires au profit des grands propriétaires qui pratiquent l’agriculture intensive ou d’autres projets permettant d’exploiter les ressources naturelles locales. Cette politique d’expansion territoriale du capital avait déjà été renforcée ces dernières années par l’ex-gouvernement du PT (Parti des Travailleurs), au travers des grands projets d’infrastructure du PAC – «Plan d’Accéleration de la Croissance» – ou de la création des Unités de Polices Pacificatrices en milieu urbain. Cependant, le nouveau gouvernement de Bolsonaro semble vouloir intensifier et militariser, encore plus, cette expansion.

Pour ce faire, il prévoit notamment de faciliter l’armement des grands propriétaires contre les Indiens, de qualifier juridiquement les mouvements de sans-terre en tant qu’organisations terroristes, d’interrompre toutes les démarches juridiques en cours visant à délimiter ou protéger les terres réservées aux populations indiennes etc.

Plus généralement, comme il l’a affirmé dès le lendemain du Premier tour des élections, il promet à ses électeurs de «mettre un point final à toutes les formes d’activisme» à travers le pays. La phrase est lourde de sens lorsque l’on sait que le Brésil a détenu l’an dernier le triste record mondial du nombre d’activistes assassinés – 57 en 2017 – étant la plupart du temps sans-terre, Indiens ou issus des favelas. Dans la plupart des cas, la responsabilité de la police ou d’autres représentants de l’État dans ces crimes est évidente. Il y a quelques années, Bolsonaro avait déjà affirmé publiquement que la Dictature militaire brésilienne (1964-1988) – dont le principal projet était l’éradication du «communisme» et de la «subversion» – n’avait pas été assez loin dans ses pratiques répressives et qu’elle aurait dû «tuer bien plus», à l’instar des Dictatures chiliennes et argentines.

Le projet gouvernemental autoritaire et ultra-répressif de Bolsonaro semble ainsi venir satisfaire les désirs des élites brésiliennes en proposant une réponse musclée et directe aux mouvements sociaux et aux multiples dynamiques d’occupation qui se sont renforcées ces dernières années un peu partout dans le pays: reprises de terres par des populations natives, occupations de grandes propriétés par les sans-terre, occupations de terrains ou d’immeubles par les mal-logés (parfois relatés sur Squat!net comme iciici ou ).

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Depuis la fin du mois d’octobre, et au cours des deux mois qui ont suivi son élection – avant même sa prise effective de pouvoir, qui a eu lieu le 1er janvier 2019 – les attaques contre des terres occupées et tentatives d’expulsions se sont déjà intensifiées, nous relatons ici toutes celles dont nous avons été informé.e.s:

– Dans la nuit du samedi 27 au dimanche 28 octobre, jour du second tour de l’élection présidentielle, la communauté indienne Jaguapiru-Bororó, située près de Dourados, dans le Mato Grosso do Sul, a subi une attaque d’un groupe paramilitaire – composé de près de 30 hommes armés qui ont tiré au flashball et au fusil à plomb sur le village. 15 habitant.e.s ont été blessé.e.s et près de 35 cabanes endommagées.

– Au cours de la même nuit, toujours dans le Mato Grosso do Sul, l’occupation de sans-terre Sebastião Bilhar, près de Dois Irmãos do Buriti, a également été attaquée. Des hommes venus en camionnette ont mis le feu à une maison du camp en criant «Bolsonaro» avant de s’enfuir.

– Le soir du dimanche 28, juste après la victoire de Bolsonaro au second tour, une école et un dispensaire de santé situés dans le territoire indien Pankarau, près de Jatobá, dans le Pernambuco, ont également été la cible d’un incendie criminel.

– Cette même nuit, les habitant.e.s de plusieurs communautés indiennes ont dénoncé des intimidations et des coups de feu fêtant la victoire de Bolsonaro, aux abords de leurs villages, dans les territoires du Caarapó, près de Dourados, et du peuple Terena, près de Miranda, dans le Mato Grosso do Sul, ou encore sur les terres du peuple Tuxá, à Rodelas (Bahia).

– Le lundi 29, les habitant.e.s de la communauté Ava Guarani Takurai, dans la ville de Kanindeju, à la frontière entre le Brésil et le Paraguay, ont été attaqués par des hommes de main d’un grand propriétaire brésilien de la région qui ont tiré des coups de feu contre leur village.

– Le mardi 30, dans la nuit, c’est l’occupation de sans-terre Comuna Irmã Dorothy, située à Tamboril, dans le Ceará, qui a été la cible d’un incendie criminel. Selon les occupant.e.s, quatre hommes se sont approchés, ont mis le feu à des maisons avant de partir sur leurs motos en criant.

– Le 6 novembre, à Guairá, dans le Paraná, Donecildo Agueiro, du peuple Ava-Guarani, âgé de 21 ans, a reçu plusieurs coups de feu tandis qu’il sortait d’une réunion avec la Coordination Technique Régionale de la Fondationale Nationale des Indiens (FUNAI) au sujet d’un projet de construction de lignes de transmission qui doivent traverser la communauté. Il est devenu paraplégique à la suite de ses blessures.

– Le même jour, l’activiste indien Reinaldo Silva Pataxó, du peuple Pataxó HãHãHãe, a été assassiné dans sa propre maison, recevant quatre coups de feu, dans la communauté Catarina Caramuru Paraguassu, à Pau Brasil, dans l’État de Bahia. Selon les employés de la FUNAI et des habitant.e.s, Reinaldo était menacé par les grands propriétaires de la région. Durant les éléctions, selon un habitant, des fermiers auraient affirmé qu’en cas de victoire de Bolsonaro ils reprendraient la terre aux Indiens «d’une manière ou d’une autre».

– Le 7 novembre, les habitant.e.s du quilombo Lemos, à Porto Alegre, ont été réveillé.e.s par les hommes du bataillon de choc de la Police Militaire, menaçant d’expulser les 60 habitant.e.s des lieux. Les habitant.e.s ont résisté à l’expulsion et sont parvenu.e.s à suspendre l’opération, mais ils craignent de nouvelles tentatives.

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– Le 8 novembre, ce sont cette fois-ci les 250 familles du camp de sans-terre Dandara, dans le District Fédéral, près de Brasília, qui se sont réveillées encerclées par la police et la cavalerie accompagnées de pelleteuses. Le campement a été violemment expulsé et entièrement détruit. Selon certain.e.s occupant.e.s, durant l’opération, un commandant de l’opération aurait affirmé: «Maintenant que Bolsonaro a gagné, c’est comme ça que ça va se passer. Restez bien tranquilles et ne vous aventurez plus à entrer sur la terre des autres».

– Le 13 novembre, l’Aéronautique, la Police Militaire et la Garde Municipale, ont expulsé 6 familles de la Favela Maracajás, sur l’Ile du Governador, dans la zone nord de Rio de Janeiro, à deux pas du touristique aéroport international du Galeão.

– Le 16 novembre, un village a été attaqué par la police sur le Territoire indien Jurubaxi-Téa, à Santa Isabel do Rio Negro, en Amazonie. L’attaque a eu lieu après qu’un bateau de l’entreprise de pêche touristique Amazon Sport Fishing ait pénétré sans autorisation sur le territoire indien, transportant des employés de l’entreprise et des touristes, escortés par des policiers. Les Indiens du peuple Baré ont alors encerclé le bateau afin d’empêcher son entrée. En représailles, certains policiers sont allés jusqu’au village, armés de mitraillettes, et ont tiré en direction de l’école. Tandis que des habitant.e.s tentaient de résister, l’un d’eux, Arlindo Nogueira, a reçu une balle dans le bras. En arrivant à l’hopital le plus proche avec le blessé, sa famille a reçu de nouvelles menaces de la part de la police et l’un d’entre eux a été arrêté.

– Le 19 novembre, des policiers en civil se sont infiltrés dans l’Aldeia Maracanã, à Rio de Janeiro, tandis qu’avait lieu sur place le Congresso Intercultural de Resistência Maraka’nà (COIREM). Réunissant différents peuples indiens, l’évènement avait pour but de renforcer la résistance des peuples en lutte, notamment face à la violence croissante de l’État brésilien. Après avoir pris des photos et posé des questions à plusieurs personnes, les policiers ont été reconnus et ont tenté de s’enfuir dans leur voiture. Celle-ci a été encerclée par les Indiens qui ont exigé qu’ils s’identifient et qu’ils expliquent la raison de cette intrusion avant de quitter les lieux. (L’Aldeia Maracanã est une communauté indienne urbaine organisée autour d’une grande maison squattée aux abords du stade du Maracanã, depuis 2006. Le squat avait été violemment expulsé em 2013, à la veille de la Coupe du Monde, puis la maison et le terrain qui l’entoure ont été progressivement réoccupés dans les années suivantes.)

– Le 21 novembre, les 150 familles du camp de sans-terre Zé Maria do Tomé, à Limoeiro do Norte, dans le Ceará, ont résisté à une tentative d’expulsion réalisée par le Bataillon de la Police de Choc et le Comando Tactique Rural, en mettant le feu à des barricades en travers de la route afin d’empêcher l’entrée de la police.

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– Le 23 novembre, près de 150 familles sans-terre ont été expulsées du camp Antônio Nascimento, à Formosa, dans la région de Goiânia, par la Police Militaire. Au cours de l’expulsion, une des occupant.e.s est décédée d’une crise cardiaque.

– Le 28 novembre, près de 30 familles ont été expulsées de l’occupation de sans-terre 17 de Abril, près de Santana do Acaraú, dans le Ceará. Les occupant.e.s disent que l’action a été réalisée par des policiers militaires et des hommes de main de grands propriétaires, sans aucun mandat judiciaire. Le campement a été entièrement détruit. Dans la même région, le 6 décembre, 30 familles du campement Zé Wilson, près de Lavras da Mangabeira, ont également été expulsées par la Police Militaire, tandis que l’occupation Vida Nova, à Mauriti, est également menacée d’expulsion imminente.

– À partir du 6 décembre, la pression s’est accentuée sur les Indiens Guarani Mbya qui ont réoccupé les terres de Ponta do Arado, à Porto Alegre depuis le mois de juin dernier. Les soi-disant propriétaires du terrain et leurs agents de sécurité ont multiplié les intimidations, construisant un grillage autour des Indiens et installant un poste de surveillance sur le terrain.

– La nuit du 7 décembre, l’occupation urbaine 29 de Março, dans le quartier Vila Corbélia, à Curitiba, a été la cible d’un incendie criminel. Selon les habitant.e.s, l’incendie a été initié par la Police Militaire afin de venger la mort d’un policier tué dans les environs la même semaine. Avant l’incendie, l’occupation urbaine avait déjà été la cible de plusieurs intrusions violentes de la police. Près de 200 maisons ont été détruites. Des habitant.e.s de l’occupation et des soutiens ont fait un appel à don pour aider à la reconstruction des maisons.

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– Le 9 décembre, deux activistes sans-terre, Rodrigo Celestino et José Bernardo da Silva, ont été assassinés dans le camp Dom José Maria Pires, près de Alhandra, dans la région de Paraíba. Tous deux faisaient partie de l’organisation du campement. Ce double assassinat élève à 24 le nombre de victimes d’exécutions politiques dans le cadre des luttes pour la terre cette année dans le pays.

– Le 19 décembre, les 60 familles de la communauté indienne Tremembé do Engenho, près de São José de Ribamar, dans le Maranhão, ont été expulsées par 150 soldats de la Troupe de Choc de la Police Militaire, accompagnés par la police routière fédérale. Toutes les maisons et les plantations de la communauté ont été détruites par les tracteurs de la police. Les occupant.e.s Tremembé ont affirmé, par la suite: «la police et ses tracteurs ont détruit nos maisons mais ne nous ont pas détruit.e.s».

– Le 22 décembre, un poste de protection des Indiens isolés situé sur le Territoire indien Vale do Javari, près de Atalaia do Norte, à la frontière entre l’Amazonie brésilienne et péruvienne, a été la cible de plusieurs coups de feu. Ce Territoire concentre le plus grand nombre de «peuples isolés» de la région et est convoité par plusieurs groupes de chasseurs et pêcheurs des environs.

Au-delà de cette liste d’attaques contre des communautés et terres occupées, qui est probablement incomplète, la période électorale a également vu se répéter diverses agressions contre des personnes – notamment contre la population LGBT – pratiquées par des électeurs de Bolsonaro pour raisons politiques. Entre les deux tours des élections, plus de 130 agressions de ce type ont été recensées dans tout le pays, ainsi qu’au moins 3 assassinats pour motifs politiques.

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Une recension de squat.net [Sources: Amazônia Real, A Pública, Agência Brasil, Brasil de Fato, CIMI, De Olho Nos Ruralistas, Folha de SP, G1, Mídia 1508, Mídia Ninja, MST, Nova Democracia, Revista Forum.]