LBD : la violence d'Etat, aveu désespéré d'impuissance. Un petit tour au tribunal administratif de Paris.

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Le 24 janvier, Lorraine Questiaux avocate de la CGT, et Arié Alimi, pour la Ligue des Droits de l'homme, se sont trouvés face au Tribunal Administratif de Paris suite à un référé déposé par leurs soins, dans l'objectif d'interdire en urgence l'utilisation des Lanceurs de balles de défense de 44 mm (Flash ball SuperPro) et de 40 mm (LBD 40) pour les prochaines manifestations.

La dangerosité de ces armes qualifiées de "létales intermédiaires" n'est hélas plus à  établir, et au vu des dégâts causés, en particulier les dernières semaines, avec le mouvement des Gilets Jaunes, il était essentiel d'engager ce type de procédure complémentaire aux actions engagées sur le "terrain".

Il est fort probable que cela ne suffise pas à calmer les ardeurs de la police, qui  exécute avec un zèle évident les consignes gouvernementales, mais une remise à plat de la situation s'imposait, en portant cette grave atteinte à la liberté fondamentale de manifester à l'attention du juge.

Ces armes avaient été proscrites par le Ministère de l'Intérieur depuis 2015,  mais sans grand effet sur la réalité du terrain, puisqu'en 2016, lors des manifestations contre la Loi Travail, des blessures avaient été causées suite à leur utilisation ...

Depuis quelques semaines, l'escalade de la violence policière n'est plus à prouver, alors, panique ou application stricte de consignes impitoyables?

Si, au vu des nombreuses blessures, éborgnements, mains arrachées, et décès survenus régulièrement, et depuis bien longtemps, on peut se faire une opinion très claire sur la dangerosité de ces armes, rien de tout cela n’a ébranlé les positions des défenseurs du port du LBD.

Exemples :

  • s'attarder dans sa plaidoirie sur l'incompétence juridique du tribunal administratif pour juger ce type de référé en arguant que la demande implique d'exiger du ministère de l'Intérieur de réglementer à l'encontre de la législation en vigueur. Cela nous laisse rêveur... Détourner l'attention sur la forme alors que la question fondamentale touche à des vies humaines, et la base même des libertés fondamentales chères à la Démocratie!

  • insister sur la sémantique utilisée par la CGT, qui, à aucun moment, ne qualifiera les manifestants de "casseurs" (sic !).

  • mettre en cause la légitimité de la CGT à déposer ce référé, n'étant pas organisatrice des manifestations, alors qu’un des objets du référé était d’interdire en urgence le LBD-40 lors des manifestations des gilets jaunes et de la grève générale prévue le 5 février, à Paris et sur l'ensemble du territoire. En quoi une organisation officielle comme la CGT ne serait elle pas en mesure de provoquer un débat juridique sur un sujet aussi grave, concernant la liberté de manifester en toute sécurité ? N'est ce pas le principe même d'une organisation protégeant non seulement les intérêts des travailleurs, mais aussi les libertés individuelles et collectives? Il suffit de se référer à la Charte d'Amiens s'il en est besoin.

Quid des alertes des observateurs tels qu'Amnesty International ? ou de la Ligue des Droits de l'homme sur des armes dangereuses en maintien de l'ordre en France?

Quid de la première place au palmarès européen de la France pour l'utilisation de ces mêmes armes?

Nous terminerons en citant le fort intéressant rapport de juillet 2017, par l'Assemblée Générale de l'ONU, qui  avait adopté les 4 grands principes juridiques régissant l'usage de la force par les forces de l'ordre.

Si on devait en extraire un seul, ce serait celui ci:

" Les responsables de l'application des lois doivent s'efforcer de disperser les rassemblements illégaux mais non violents sans recourir à la force et, lorsque cela n'est pas possible, limiter l'emploi de la force au minimum nécessaire. "

Fort heureusement le niveau aura été relevé par la présence d'Arié Alimi et Lorraine Questiaux, qui semblaient clairement mieux posséder leur sujet sur le fond.

Nous invitons à cet effet le lecteur à trouver tous les détails ( parfois très croustillants) de leurs interventions  sur le rapport de l'excellent collectif "Desarmons les" qui travaille depuis un bon moment sur le sujet, en dénonçant et documentant très rigoureusement cette situation préoccupante  :

Et puisqu'on y est on finirait bien par envoyer un petit message au gouvernement en réaffirmant fermement que "La victoire obtenue par la violence équivaut à une défaite, car elle est momentanée" et promis, ce n'est pas de nous mais de Gandhi.

A bon entendeur !

Nathalie Athina

PS : Pour finir, le tribunal s'est estimé incompétent pour donner des instructions au ministère de l'Intérieur et "prendre des mesures qui auraient valeur réglementaire" dans toute la France”. Concernant Paris, qui relève bien du tribunal, le recours de la CGT et de la LDH a été rejeté sur le fond. Pour motiver leur décision, les juges ont rappelé que la préfecture de police a "décidé que tous les porteurs de lanceur de balles de défense seraient en binôme avec un porteur de caméra" lors de l'acte 11 des gilets jaunes samedi. Il n’y aurait donc plus de souci à se faire. On a vu, avec ce qui est arrivé à Jerome Rodrigues place de la Bastille ce même samedi, qu’on en était bien loin. Mais tant pis.