Le mouvement social insurrectionnel, dernier rempart contre l’extrême droite
On ne défera pas l'extrême droite dans les urnes. Le mouvement des gilets jaunes, consciemment ou non, travaille de toute son ardeur à défaire la possibilité de l'extrême droite, à inventer la seule alternative possible à la brune dérivation de la douleur - que la colère s'exprime, soit active, et nous rende enfin sujets.
Équation simple :
L’extrême droite est au pouvoir ou au bord du pouvoir en France et partout dans le monde.
Les stratégies de lutte contre l’extrême droite mises en œuvre toutes ces dernières années n’ont pas ou peu porté leurs fruits.
Un mouvement social insurrectionnel inespéré fait irruption en France et tente d'essaimer un peu partout dans le monde, contre des gouvernements ultralibéraux et parfois d’extrême droite.
En France, le mouvement émane d'abord des classes populaires blanches. On a pu craindre au départ qu’il soit mené par l’extrême droite. Ce n’est pas le cas, même si on continue à observer une tentative de noyautage du mouvement par l’extrême droite et la présence de fachos dans la rue et sur les ronds points.
Mais elle n’y est pas majoritaire, comme le relèvent aussi bien les premières études sociologiques sur le mouvement que l’observation de ce qui se joue sur les ronds points et dans la rue, où les mots d’ordre racistes sont marginaux et où la passion pour le RIC ressemble plus à une tocade habilement manoeuvrée qu’au symptôme d’une adhésion profonde à Chouard donc à Soral donc à etc.
En revanche, on constate qu’en moins de deux mois des gens qui ne s’étaient jamais mobilisés ont appris à éteindre leur télé, à détester la police, à mettre en jeu leur intégrité physique et en oeuvre une intelligence tactique de la rue face à la répression, à construire des campements en mode ZAD et des groupes féminins non mixtes en mode déconstruits, à organiser des assemblées populaires, à poétiser des slogans, à vouloir la démocratie, à rêver 1789, à s’exprimer, à s’affranchir, à se relier.
Très peu de signes des modes de fonctionnement et d’expression de l’extrême droite dans tout ça.
Pourtant ces gens font peut-être partie de ceux qui ont pu ou auraient pu voter FN.
Cela semble signifier qu’un processus de déconstruction, d’éducation politique et d’autoformation est en cours à travers le mouvement.
Cela ne signifie pas que l’extrême droite est vaincue. Mais que les ronds points et les émeutes précipitent l’émancipation des consciences. Il y a du jeu, comme on dit. Les assignations et polarisations se dévissent.
C’est donc bien le moment de glisser un pied dans la porte. Pour peser et participer à configurer ce qui va pouvoir advenir de tout ça. Pour contrer la rhétorique des fascistes et la stratégie insidieuse des confus qui tentent d’aborder.
On ne pourra pas s’en exonérer, si on veut pouvoir espérer. On le sait : la seule réponse possible à ce monstre nihiliste destructeur qu’est l’ultralibéralisme fascisant, c’est la prise de conscience collective que nous sommes le nombre.
On ne sera pas le nombre à nous tout seuls, gauche radicale antifas et autres sans nom, ça se saurait.
Natacha Samuel le 9 janvier 2019