Coupe du monde de football : à Rostov, cinquante nuances de Cosaques

A quelques jours de l'ouverture de la Coupe du monde de football qui se tiendra en Russie du 14 juin au 15 juillet, Maxence Peniguet visite les villes qui accueilleront les matches, mais avant que les supporters n'envahissent les stades. Aujourd'hui, septième étape à Rostov sur le Don, une jolie ville du sud de la Russie. Si vous vous y rendez, vous y croiserez des Cosaques chargés de votre sécurité – ou de votre orientation sexuelle, c’est selon.

Rostov : parade d'enfants en tenue militaire et trotinettes

Rostov : parade d'enfants en tenue militaire et trotinettes

Dans le sud de la Russie se trouve une terre que l’on dit protégée par un groupe de guerriers traditionnels intrépides : les Cosaques. « Avant ils étaient contre tous types de pouvoir extérieurs à la région. Maintenant, ils soutiennent Poutine. (...) De toute façon, les Cosaques c’était il y a longtemps. Aujourd’hui ils sont bons pour le carnaval », résume dans les grandes lignes une habitante de Rostov-sur-le-Don, où les combattants susmentionnés forment une milice officielle et travaillent en collaboration avec la police de la ville.

On pourrait faire l’explication inverse. L’État aurait préférait passer un accord avec les Cosaques plutôt que de les avoir dans le camp d’en face. Sauf que de l’avis de quelques militants de l’opposition, il y a aussi des Cosaques chez eux.

Bref, tout ça est compliqué. Il est plus simple d’informer le lecteur sur ce que (ne) font (pas) et (ne) feront (pas) ces gardiens d’une certaine idée (du sud) de la Russie. En mai dernier, par exemple, ils sont, pour citer le titre du journal Le Monde, réapparus à Moscou. Pas de manière glorieuse, puisqu’ils s’en sont pris à des manifestants et ont assisté la police. Déjà, on sentait des divisions – ces Cosaques-là seraient des faux ne desservant pas la cause, justifiaient alors de vrais Cosaques.

Quand des hommes s’embrassent

À Rostov-sur-Don, impossible de les éviter. Dans ce petit Saint-Pétersbourg (car la ville est magnifique) du sud de la Russie, les Cosaques officiels sont partout. Difficile, au premier coup d’œil, de les différencier des policiers. Mais comme ils n’ont pas beaucoup de pouvoir, on peut se rendre compte de leur statut lorsqu’ils entourent des agents des forces de l’ordre en train de contrôler des quidams. C’est la police qui fait le travail.

Pour la Coupe du monde, ils auront leur détachement de volontaires (ce sont presque tous des volontaires). Il y a quelques jours, Oleg Barannikov, cité comme responsable de l'organisation et de la coordination des détachements cosaques, a confié à Current Times une partie des prérogatives de ces agents : « Si deux hommes s'embrassent, nous avertirons la police », a-t-il dit en substance.

« Personne ne surveillera les hommes qui s’embrassent », a en revanche assuré le capitaine Alexei Sergeevich Silantiev, ataman adjoint de la « Grande armée du Don », l’organisation qui assurera la sécurité avec la police lors de la compétition. Pour lui, c’est clair : ce n’est pas une mission des engagés volontaires. Ces derniers devront se limiter à assurer l’ordre et à assister les supporters en cas de besoin.

La ville la plus belle et le stade le plus moche

Pause déambulation urbaine. Rostov est la plus belle ville de ce voyage. Après Volgograd, le contraste est flagrant – pour sa défense, notons que Volgograd a été démolie pendant que Rostov subissait les effets de l’occupation nazie. De l’ancien quartier arménien, à l’est le long du Don, à la gare Centrale à l’ouest, c’est huit kilomètres de mélange architectural encore marqué par l’ancien temps. Il y a un certain plaisir à déambuler sur et entre les rues Pouchkine et Sadovaya.

La traversée du Don laisse entrevoir un autre paysage, celui de la Rostov Arena (350 millions de dollars selon des chiffres récents de l’Associated Press, 45 000 personnes), difficile à décrire et qui manque simplement de quelque chose. La structure, cependant, surprend à la tombée de la nuit : des milliers de LED en profitent  pour illuminer le stade. En partie et avec quelques parcelles déjà hors fonction, semble-t-il, mais retenons l’intention. C’est comme pour le parc jouxtant l’enceinte : l’important, c’est qu’il y ait des pistes cyclables, pas les virages à 90 degrés qu’elles feront entreprendre aux plus téméraires. Ou autour du stade, que le terrain soit plat, pas que le gazon manque (les rouleaux n’attendent d’ailleurs que d’être posés).

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Pour l’élection du maire au suffrage universel

Retour en ville. En suivant d’attendrissants chiens et chats errants, on peut tomber sur la section locale des soutiens de Navalny – opposant dont la participation à l’élection présidentielle de mars dernier a été empêchée. À l’intérieur, Segueï, Valeria et Vladimir ont entre 20 et 32 ans. Ils parlent avec passion de leur ville.

En ce moment, c’est la rue Stanislavski qui occupe les discussions. L’artère, l’une des plus vieilles de Rostov, est en perpétuels travaux et à l’origine de nombreuses nuisances pour les riverains. Selon un photoreportage du site Rostov.ru, la reconstruction a commencé début 2017 et devait finir le 31 mai 2018. Autre mobilisation du moment – et principal objectif du groupe : une campagne pour  l’élection au suffrage universel du maire de la ville.

Maxence Peniguet, le 12 juin 2018