Pour une transformation radicale des banques, par le comité pour l'abolition des dettes illégitimes

Les abus de la finance et la financiarisation de l'économie sont à l'origine de crises qui secouent régulièrement nos économies et amènent à renflouer les banques avec de l'argent public. Le poids de la finance pèse sur les choix politiques des Etats et justifie les politiques d'austérité. C'est pourquoi nous publions ce texte du comité pour l'abolition des dettes illégitimes (CADTM) qui plaide pour une restructuration du secteur bancaire et une socialisation des banques afin de les mettre au service de l'intérêt général. 

Comme le comité pour l'abolition des dettes illégitimes l’a montré récemment dans une étude sur la dette belge, le coût réel des sauvetages bancaires est régulièrement relativisé, tout comme leur impact sur la dette publique est sous-estimé. Voici près de dix ans, les plus grandes banques belges (Fortis, Dexia, KBC, l’assureur Ethias), au bord de la faillite, étaient sauvées par l’État belge. (1) Il en est de même pour une multitude de banques à travers le monde.

Suite à l’explosion de la crise, banquiers, financiers et politiques annonçaient une grande moralisation du système financier et bancaire, la fin des bonus et des rémunérations. Nicolas Sarkozy, lors de son discours de Toulon en septembre 2008, proposait même une restructuration de grande ampleur de tout le secteur bancaire mondial. Rien de tout ça n’a eu lieu. Et comme si ça ne suffisait pas, les banques s’amusent à poursuivre juridiquement toute personne protestant contre leurs méfaits, par exemple pour avoir déplacé symboliquement des chaises en vue d’informer l’opinion publique sur l’évasion fiscale (2).

Au-delà de l’impact significatif sur les finances publiques, il importe avant tout de pointer les coûts sociaux causés par la crise et surtout la gestion qui en a été faite. L’augmentation de la dette publique qui a suivi les sauvetages bancaires a ensuite été utilisée comme prétexte pour justifier des mesures d’austérité et des réformes structurelles toujours en cours aujourd’hui. Ces mesures touchent le droit du travail, le secteur de la santé, les pensions, le chômage, mais concernant les banques c’est le néant !

La crise financière de 2007-2008 avait pourtant ouvert une fenêtre d’opportunité pour réformer le fonctionnement du secteur bancaire et financier, mais le peu qui a été fait concerne une minorité d’activités ou a été détricoté. Parmi ces réformes bien peu ambitieuses, un exemple frappant, concernant la France et la loi bancaire de 2013, émane de Frédéric Oudéa, le PDG de la Société Générale, qui a reconnu devant la Commission des finances de l’Assemblée nationale que cette loi concernerait moins de 1 % des activités de son groupe. Patrick Saurin, ex porte-parole de Sud Solidaires BPCE et membre du CADTM France pose clairement l’enjeu : « Le système bancaire apparaît aujourd’hui comme une énorme bombe à retardement avec de multiples facteurs de risque  : des banques d’une taille démesurée, une interconnexion entre elles qui multiplie les risques, des activités spéculatives très hasardeuses, des fonds propres insuffisants, un contrôle très insuffisant, des sanctions très faibles en cas de manquement, ce que résume parfaitement la formule too big to jail, (trop grosses pour aller en prison)"  (3).

Nous ne le répéterons jamais assez, le rôle et l’impact des banques est trop important pour continuer à le laisser aux mains des banquiers. C’est pourquoi au CADTM, nous proposons des mesures radicales pour rendre les banques au service de la population : réduire leur taille, simplifier leur fonctionnement et les reconnecter au réel, ce qui passe aussi par l’interdiction de la spéculation. (4)

La première mesure de réduction radicale de la taille des banques permettrait de supprimer le risque « trop grande pour faire faillite », inhérent à ces banques dites systémiques. Ces dernières, en cas de problème, risquent d’entraîner avec elles de nombreuses autres grandes banques, tant le secteur est interconnecté, répercutant ensuite les effets sur l’économie réelle.

La re-privatisation de Belfius

En Belgique, la banque Belfius prépare une entrée en bourse, ce qui rapporterait entre deux et quatre milliards d’euros et permettrait de désendetter l’État, selon le gouvernement. Or, selon nous, une banque devrait profiter avant tout aux citoyens. La plateforme Belfius est à nous, créée il y a plus d’un an et réunissant 21 organisations francophones et néerlandophones, appelle à s’opposer à la privatisation de la banque.

A l’occasion d’un débat sur la radio La Première en janvier 2018, la RTBF reprenait gentiment le discours gouvernemental, arguant qu’il « souhaite, depuis son entrée en fonction, valoriser ses bijoux de famille et qu’en gardant 51% des parts Belfius devrait donc garder son statut d’entreprise publique et son ancrage belge ». Une bien maigre consolation, la stratégie du TINA est bien intégrée dans les esprits.

Au-delà de l’espace belge et de Belfius, nous militons au CADTM pour la socialisation intégrale du système bancaire. Qu’est-ce que cela représente et en quoi cela diffère de la nationalisation ? Patrick Saurin : « Parce que nous considérons que l’épargne, le crédit, la sécurité des encaisses monétaires et la préservation de l’intégrité des systèmes de paiement (espèces, cartes, chèques, virements, paiements électroniques, etc.) relèvent de l’intérêt général, nous préconisons la création d’un service public bancaire par la socialisation de la totalité des entreprises du secteur bancaire et de l’assurance. Ce service public disposerait de la maîtrise et du contrôle de la création monétaire. La socialisation, terme que nous préférons à celui de nationalisation, signifie que les établissements sont placés sous contrôle citoyen dans le cadre d’un dispositif associant les salariés, les clients, les élus locaux, les associations et les représentants des instances bancaires nationales et régionales. Seule une telle organisation est susceptible de permettre au service bancaire de devenir un véritable outil au service de la collectivité, et de ne plus être une arme entre les mains de quelques spéculateurs qui spolient les populations. Un tel système bancaire socialisé devrait être l’outil du financement du projet essentiel des années qui viennent : la transition écologique ».

Il ne faut donc pas confondre socialisation du système bancaire et centralisation entre les mains de l’État. La socialisation permettrait de soustraire les citoyens et les pouvoirs publics à l’emprise des marchés financiers. Ce qui signifie une réappropriation des choix de financement, en somme dédier l’activité bancaire au bien commun.

Robin Delobel

Robin Delobel est un permanent du comité pour l'abolition des desttes illégitimes.

Notes

(1) Jérémie Cravatte, Le coût réel des sauvetages bancaires, 23 janvier 2018, L’écho.

(2) Voir les procès des faucheurs de chaises. 

(3) Revue L’Anticapitaliste numéro 86, avril 2017.

(4) Par manque de place nous ne développons pas ici toutes les propositions du CADTM sur les banques, pour approfondir voir le texte www.cadtm.org/Que-faire-des-banques-Version-2-0