quel avenir pour la ZAD après la destruction des 100 noms ?
On devrait connaître ce vendredi la décision du tribunal de Nantes, suite au référé déposé par un habitant de la ferme des 100 noms qui contestait hier son expulsion. La destruction de la maison collective des 100 noms a en effet durci les positions des occupants de Notre-Dame-des-Landes et de leurs soutiens, qui ne croient plus en la parole de l'Etat. D'autant que les conditions à une reprise du "dialogue" -élément de langage de la préfecture- sont inacceptables. Ce qui pose avec acuité la question de savoir à qui reviendront les terres.
Hier, Cédric, un trentenaire qui réside depuis cinq ans à la ferme des 100 noms assignait la préfète de Loire-Atlantique devant le tribunal de Nantes pour faire constater l'illégalité de son expulsion. Le zadiste avait assigné celle-ci en référé pour voie de fait et recours illégal à la force publique. Présent sur le lieu lors de l'expulsion, il n'a même pas pu prendre connaissance de l'acte d'huissier. S'étant fait connaître des autorités par des recommandés depuis plusieurs années et encore récemment, il y contestait les conditions de son expulsion. Selon son avocat Me Vallée, il avait même reçu la visite d'un huissier en septembre 2017. Voyant arriver la date de l'expulsion en fin de trêve hivernale, il suspectait, avec les avocats de la ZAD, une procédure sur requête pour organiser son évacuation du lieu-dit les 100 noms. La procédure sur requête -strictement encadrée- permet de faire intervenir le tribunal sans que l'intéressé en soit informé et sans qu'il puisse déposer un recours contre la décision, en l'espèce la décision d'expulsion.
Ce que conteste Me Vallée. Lors de l'audience d'hier, les avocats de la préfète et de l'Etat ont demandé au tribunal de grande instance de se déclarer incompétent. Le juge, saisi en référé, devrait rendre sa décision aujourd'hui. Au-delà des points juridiques soulevés -le DAL, le syndicat de la magistrature et celui des avocats de France avaient tous condamné l'expulsion de la ZAD comme illégale comme le montrent cette lettre de deux avocats-, l'évacuation des habitants de la ferme des 100 noms a surpris plus d'un occupant de Notre-Dame-des-Landes. La préfète avait en effet annoncé que ceux qui avaient un projet solide pourraient rester sur place. Elle a d'ailleurs annoncé la fin de l'intervention policière ce matin afin de reprendre les négociations sur l'avenir de la ZAD. Selon nos sources, les occupants de la ZAD ont donc dix jours -jusqu'au 23 avril- pour régulariser leur situation. A condition de ne pas participer aux actions violentes, ni aux réoccupations de sites, qui ont été annoncées et qui semblent être la hantise des autorités. Nicole Klein annonce d'ailleurs que les gendarmes resteront sur place encore trois semaines à un mois. Des conditions difficilement acceptables.
Car sur place, le malentendu est total. Lorsque les pouvoir publics annoncent qu'ils renoncent au projet d'aéroprt à Notre-Dame-des-Landes le 17 janvier dernier, une partie des occupants de ce coin de bocage imaginent une solution du type Larzac,. A l'issue de la lutte des paysans du Larzac au début des années 1980, les terres ont été cédées à une Société civile des terres du Larzac, une structure collective, indépendante de l'Etat. En 1985, son conseil de gérance assume les charges, les impôts fonciers, le lien avec la Mutualité sociale agricole, etc. C'est ce type de solution collective que revendiquent les occupants de la ZAD, afin de préserver le maximum de projets économiques, sociaux, agricoles et environnementaux qui y ont vu le jour. Or, la préfète Nicole Klein, si elle a déclaré vouloir préserver les projets agricoles solides et viables sur le site, a posé des conditions : une régularisation individuelle auprès des autorités et de la MSA de leurs initiateurs.
Depuis l'expulsion des 100 noms, le dialogue amorcé par une partie des zadistes regroupés autour de l'ACIPA, s'est durci. Sur ce terrain, une maison collective et une grange avaient été construits. Les occupants, dont un crêpier, cultivaient un potager, élevaient des ânes et des chèvres, dont ils faisaient du fromage. Leur expulsion a été vécue comme une véritable porvocation. "Cela a mis à mal toute possibilité de dialogue, expliquait l'un des organisateurs de la ZAD, joint hier par téléphone. "Comment dialoguer avec des gens qui disent blanc et font noir ?" s'interroge notre interlocuteur. Comme beaucoup, il veut encore croire à une solution collective du type Larzac, même si, concède-t-il, l'histoire de la lutte sur ce plateau du massif central "est différente", avec, à l'époque, "surtout des paysans conventionnels", alors que les occupants de la ZAD revendiquent la sauvegarde de projets qui sont "hors cadre", dont beaucoup reposent sur le troc ou la vente à prix libre.
Combien de personnes déposeront des dossiers ? Quels seront les projets qui passeront ce barrage ? Difficile à dire aujourd'hui. L'ACIPA (association citoyenne intercommunale des populations concernées par le projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes) avait bien entamé un dialogue avec les autorités, mais depuis l'expulsion des 100 noms, elle a durci sa position et appelle à converger sur le site de Notre-Dame-des-Landes dimanche prochain. Depuis mars 2018, c'est une délégation commune regroupant l'ensemble des forces de la ZAD qui est seule habilitée à négocier avec les pouvoirs publics. Dans un communiqué commun du mouvement daté du 8 mars 2018, les auteurs écrivent que "en proposant la signature individuelle de Conventions d’Occupation Précaire, il y a clairement volonté [de la part de l'Etat] de morceler l’usage du territoire et le mouvement. Nous maintenons que c’est bien le mouvement qui a légitimité à prendre en charge ces terres d’une manière commune et cohérente".
Alors que la préfète met la pression en laissant dix jours aux habitants de la ZAD pour se régulariser, cette position collective tiendra-t-elle ? Et quel jeu joue la préfecture ? La question de la propriété des terres est épineuse et la question de leur rétrocession devrait prendre du temps. En effet, le département de Loire-Atlantique avait commencé à acquérir des terres sur place en 1974, avant de les vendre à l'Etat en 2012 et au concessionnaire de la plateforme aéroportuaire, Aéroports du Grand Ouest, filiale du groupe de BTP Vinci. Le conseil départemental demande à l'Etat de lui rétrocéder ces terres. Le 19 mars dernier, selon France 3, la préfète recevait, pour un premier comité de pilotage sur l'avenir des terres agricoles de Notre-Dame-des-Landes, le président du département, les élus du territoire et les syndicats agricoles (FNSEA et Jeunes agriculteurs, Coordination rurale et Confédération paysanne) aux côtés de l'ACIPA. Or, le département, qui revendique 85% des terres de la ZAD, souhaiterait en confier l'exploitation à la chambre d'agriculture locale. Pour l'instant, seul le maintien des agriculteurs historiques sur leurs terres fait pour l'instant consensus.
Mais il y a une autre incertitude ? Une partie de ces agriculteurs historiques va-t-elle jouer la carte de syndicats agricoles qui défendent une agriculture intensive shootée aux nitrates et aux pesticides ? Selon un article de 20 minutes, le conseil départemental et la chambre d'agriculture réclamaient depuis janvier que les nouveaux projets s’installent « dans le respect du cadre légal ». Ce qu'ils semblent bien avoir obtenu de la préfète. Celle-ci ira-t-elle plus loin en leur faveur ? "Si on donne raison au département, ce qui est possible, c'est 85% des terres et il donne à la chambre d'agriculture la clé de la maison. Est-ce que c'est un facteur d'apaisement ?", s'interrogeait Nicole Klein début mars. De la réponse à cette question dépendra l'avenir de Notre-Dame-des-Landes.
Véronique Valentino