Jean-Luc Guérin, l'œil des bordures banlieusardes

Entre mars et juillet 2016, Jean-Luc Guérin a décidé de photographier les paysages urbains, les paysages des « bordures » comme il les appelle. Dans une déambulation au final colorée, il dégrise une banlieue usée qu’on ne regarde plus et, nous montre en 113 photographies, qu’on à bien tort de ne plus le faire. A l'instar d'un Doisneau, dont on vous a parlé, il y a quelques mois. 

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Vitry-sur-Seine et ses cheminées rouges et blanches, Bagnolet et ses « zones de déploiement d’échelle », Charenton-le-Pont, mais du côté du métro… On reconnaît tous un coin de ces banlieues communes, ces passerelles infranchissables, ces murs de chantier en métal ondulé beige que viennent graffer les artistes en mal d’espace, ces dépôts sauvages d’ordures, dans des sacs en plastique devant les usines aux fenêtres jaunes soleil…

 

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Jean-Luc Guérin photographie l’habitat des bordures du périphériques parisien. Toutes ces rues, ces chemins qui mènent nulle part et partout à la fois. Ces ponts, ces rails, ces « arbres dans la ville » et ce gris béton sale qui entourent comme des remparts peu fiers le Paris intra-muros. Car, de Paris, l’artiste préfère l’extra-muros… Ces murs qui contrastent avec le bleu du ciel. Au détour de bagnole rutilante de leur peinture métallisée, les couleurs ne sont jamais loin et souvent elles révèlent une poésie visuelle jusque là ignorée.

Un langage naît de son périple : un vocabulaire visuel, parfois témoin d’une pollution graphique sauvage, parfois poétique sublime d’un mot unique sur un mur de brique qui à l’air de cacher ce qu’il nomme ! 

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Dans un livre simple, auto-édité, Jean-Luc Guérin nous invite à un périple d’une rare beauté. Beauté des lignes d’abord où l’horizon semble se redéfinir, forçant l’imaginaire du « regardeur » à passer outre au première impression et beauté des compositions qui ne se refusent pas un trait d’humour sensible dans des associations, preuve d’une acuité et d’une réception qui refuse tout « cliché » de la photo de banlieue.

Loin du misérabilisme, mais proche de ce que la banlieue offre comme absolue poésie, les images de 29 jours offrent une alternative à la grisaille ambiante, celle qui nous saisit parfois les soirs d’hivers où la nuit tombe trop tôt et nous pousse à rentrer plus vite à la maison. Elles nous ouvrent d’autres vues, d’autres paradigmes de l’esthétique où l’habitant n’est jamais loin :

Il traverse la rue, marche sur un trottoir avec pour compagnon des arbres en pot géant, fait signe dans une voiture, emprunte une passerelle pour gagner du temps…
Et cette présence parcellaire, prouve que l’on vit dans ces paysages sans les regarder vraiment, alors qu’ils renferment une part de nos existences.

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La réussite du livre et de l’exposition qui a lieu en ce moment dans la librairie
Le Tome 47 de Vitry-sur-Seine, tient à la justesse du propos qui renvoie direct au grand et regretté Jacques Higelin de Tête en l'air :

Ouvre les yeux ami.es, regarde, laisse-toi la chance d’aimer ce que tu vois, et puis ces fumées des cheminées, elles font de drôle de formes…
Tu es là… Maintenant…

Sur la terre des damnés, solitaire,
Étranger aux vérités premières énoncée par des cons,
T’avais touché le fond de la misère
Et tu cries, et tu pleures, et tu ris au pied d’une fleur des champs,
Égaré, insouciant dans l’âme du printemps, cœur battant,

Cœur serré par la colère, par l’éphémère beauté de la vie…

 

Richard Maniere le 11/04/18

Jean-Luc Guérin, 29 Jours, auto-édition limitée sous coffret 25 €
-> De beaux tirages à voir à la librairie Le Tome 47
47, avenue Guy Môquet 94400 Vitry-sur-Seine

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