Omar, exilé occupant de Paris 8, enfermé en centre de rétention, par Collectif Anti-CRA

Ce texte est issu d’échanges avec et de textes écrits par Omar, exilé occupant de l’Université Paris 8, depuis sa cellule du Mesnil Amelot. Omar a été raflé à la prefecture de Créteil alors qu’il venait renouveler son récépissé de demande d’asile le 27 février dernier. Omar est dubliné. Cela faisait plusieurs semaines qu’il était assigné à résidence. C’est pour cela que certain.e.s d’entre nous étaient parti.e.s l’accompagner pointer au Commissariat de St-Maur-les-Fossés. L’ assignation à résidence, mesure caractéristique de la loi sur l’Etat d’Urgence, est le commun de beaucoup d’éxilé.e.s. Elle prééxistait à sa mise en place, et a survécu à la fin de cet Etat d’exception légalisé.

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« Je m’appelle Omar Hussein, je suis de nationalité soudanaise.

Je suis arrivé en Italie en juin 2017. A mon arrivée à Lampedusa, au sortir du bateau, j’étais très fatigué et on m’a pris mes empreintes de force.

La police m’a menti sur le sens de ces empreintes. Je ne savais pas qu’on les garderait.

Puis j’ai été à la rue. J’ai dormi dans le froid, comme si je n’étais pas un être humain et ce alors que je suis en Europe pour trouver une protection.

Est ce qu’il y a de la sécurité dans la rue? Tout ce qu’ on trouve dehors, ce sont des voleurs, des criminels et des alcooliques. Au milieu de ce chaos je ne me suis jamais senti en sécurité.

C’est pour cela que j’ai décidé de venir en France. Là bas, j’ai demandé l’asile politique ou économique. J’ai recherché une protection et la sécurité.

J’ai demandé l’asile en bonne et due forme et j’ai respecté tous mes rendez-vous administratifs.

J’ai été assigné à résidence et j’ai dû signer tous les jours au commissariat du 11 janvier au 6 fevrier.

Un jour, la Prefecture de Créteil m’a donné rendez-vous, j’ai demandé à la dame au guichet si je devais continuer à aller signer.

Elle m’ a répondu que non.

Le 26 fevrier dernier au matin 3 policiers m’ont attrapé.

Ils m’ont mis dans une petite pièce sans fenêtres à côté du bureau et m’ont menotté après m’avoir fouillé de façon très violente et humiliante puisqu’on m’a déshabillé .On m’a ensuite emmené au commissariat et on m’a mis en cellule. »

Omar a été emmené au LRA de Choisy-le-Roi.
Il y est resté 27h avant d’ être transféré au CRA du Mesnil Amelot.
Le LRA (Local de Rétention Administratif) est un des chainons du mécanisme d’expulsion des étranger.e.s illégallisé.e.s. Plus discret et plus petit que le CRA il n’en est pas moins violent.
Il y a dans ce lieu 12 places pour 23 policiers.
En 2011, les responsables ont interdit les jeux de cartes, sous pretexte de prévenir les tentatives de suicide. Il n’ y a pas de permanence médicale dans ce lieu, et depuis 6 mois il n’y a pas non plus d’ association d’aide juridique qui permettrait à Omar et aux autres de faire valoir leurs droits.
Le 27 février nous essayons de lui rendre visite. Nous arrivons au CRA à 17h30 après avoir appris à 14h30 qu’il avait été déplacé.

La présence de nombreux.ses migrant.e.s hebergé.e.s avec lui parmi les visiteur.ses, gêne manifestement les policier.e.s qui se livrent à une fouille minutieuse et longue de toutes les personnes. Devant les grilles de la taule puis 100 mètres plus tard devant le sas pour le parloir où nous sommes fouillé.e.s une seconde fois.
Le temps de faire appelerOmar et de négocier avec les flics pour faire entrer ses ami.e.s et des interprètes, on nous explique que le temps des visites est terminé.
Les horaires
des visites et les conditions dans lesquelles elles se déroulent varient d’un CRA à l’autre, signe de l’arbitraire qui y règne. « Le règlement du lieu c’est le policier que vous avez en face de vous », nous a dit un gardien ce jour-là. Le 28 février, Omar est passé, comme l’exige la procédure, devant le Juge des Libertés et des Rétentions qui a confirmé son placement en CRA pour 28 jours et ce malgré les jurisprudences de la Cour de Cassation et celle de la Cour de Justice de l’Union Européenne qui se sont clairement prononcées contre l’enfermement des migrant.e.s dubliné.e.s.

Dans son jugement du samedi 30 mars la Cour d’Appel de Paris confirme la décision du juge du CRA. Motif principal : Risque de fuite. On ne reconnaît pas les radios et le certificat médical produits lors de l’ audience.

« Tout est clair dans les deux tribunaux. Ils sont tout le temps d’ accord avec la préfecture. C’est joué d’ avance. On ne me laisse pas parler ou quand on le fait on sent que ça ne change rien. Ils disent que je ne me suis pas présenté pour signer mais c’est faux, la seule fois où je ne suis pas venu signer, c’est pour aller à l’ hôpital » (Omar au téléphone le 4 mars)

Adam, son ami tchadien, qui a été logé dans le même centre d’hébergement confirme: «Tout le monde peut témoigner, c’ est l’ambulance qui est venu le chercher au Centre d’Hébergement. On peut même vérifier à l’hôpital de Lariboisière».

Dimanche 4 mars : Omar nous appelle d’ un petit téléphone que nous lui avons fait passer secrètement lors de son audience au tribunal à Paris (le sien qui comporte une caméra lui a été confisqué car c’est interdit là bas).

« Mon nom est affiché sur le vol du 15 mars pour Milan à 8h du matin »

(à suivre)

Omar

Article paru le 8 mars 2018 sur le site InfoCRA du collectif AntiCRA et consultable ici dans sa version originale.

Né de collectifs militant.e.s qui luttent pour l’abolition des Centres de Rétention Administrative (« CRA ») et la liberté de circulation et d’installation, ce site a pour vocation de politiser la rétention des étranger.e.s soumis.e.s au régime de la déportabilité, car sans-papiers ou assimilé.e.s (« dubliné.e.s »).