Entité vivante, le Gange mêle mort, spiritualité et industrie … 

Le Gange est le symbole patent d'une civilisation et de sa spiritualité, en même temps qu'une entité vivante, car il possède les mêmes droits que les Indiens eux-mêmes. A l'heure du réchauffement climatique, parcours au fil du fleuve.  

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Le Gange est un symbole de la civilisation indienne et de sa spiritualité - une source de poésie et de légende plus ancienne qu'Athènes ou Jérusalem. Depuis des millénaires, des gens sont venus pour y rencontrer l'esprit de la culture hindoue. Pour en témoigner, on trouve quotidiennement, au fil du fleuve, aussi bien des cadeaux, que des fleurs et de la nourriture, tous les artefacts religieux possibles. Mais ces jours-ci, le Gange est au bord d'une vraie crise écologique.  

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Tous les pèlerins partagent le sentiment que ses eaux sont si pures qu'elles ne pourraient en aucun cas faire du mal à qui que ce soit. Et ainsi, 32,000 cadavres y sont brûlés chaque année à Varanasi, contaminant les eaux et ceux qui s'y baignent. Cela, avec un nombre important de carcasses d'animaux qui pourrissent au fil de l'eau entraîne une pollution croissante visible à des nappes de mousses sur le bords des rives. De plus, les villes indiennes ayant souvent des systèmes de drainage et d'adduction d'eau défaillants, cela entraîne une recrudescence des maladies infantiles en relation avec l'eau polluée. Et, par dessus cela, la révolution verte indienne s'est construite sur l'irrigation et l'emploi d'engrais chimiques pour désertifier des régions qui, renvoient tout cela au fleuve, sans filtrage aucun. 

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Autrefois, Ganga déesse du fleuve, coulait sauvage et libre, parcourant sans obstacle le pays, des glaciers de l'Himalaya jusqu'à la baie du Bengale. Sauf que maintenant, son débit est grandement dépendant des humeurs de la mousson à cause de l'assèchement de ses bassins phréatiques. Le réchauffement climatique y est pour beaucoup qui montre par endroit un débit à zéro à certaines périodes de l'année avec des irrégularités fréquentes; affectant ainsi la vie de millions de personnes qui en dépendent, autant pour leur vie de tous les jours que leur bien-être spirituel.

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“Le Gange d'aujourd'hui" écrit Gopal Krishna, “qui est la source de vie de l'Inde du Nord est devenu le symbole de la plus grande catastrophe écologique des cent dernières années. Le long de son cours, chaque minute, une nouvelle personne souffre de diarrhées et huit sur dix des personnes qui s'y baignent souffrent elles d'attaques gastriques.” 

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Cette série s'attache à documenter les enjeux du destin du Gange à ce moment historique où l'on a autant le pouvoir de le dépolluer aussi physiquement que spirituellement, puisqu'il représente une forme de géographie spirituelle. Le point focal en est l'entité fleuve et les tenants et aboutissants sa vie sur son cours, comme s'il était une personne. Un statut pas si à part que cela, puisque le gouvernement indien a décidé, il y a peu de lui, donner les mêmes droits qu'à une personne humaine. 

J'ai ainsi voyagé au long de son cours pendant plus de huit ans, à m'entretenir avec les riverains et voir le changement climatique et de ses effets, en regardant l'avancée de la pollution, de la civilisation et de l'industrialisation. Dans la mythologie hindoue, le Gange est considéré comme un  “Tirtha,” pont et point de rencontre entre le ciel et la terre. Ma plus grande peur est que ce pont s'écroule sous nos yeux, avant même que notre vie se termine.

Photographies et texte de Giulio Di Sturco

Giulio Di Sturco est un photographe italien basé entre  Londres et  Bangkok. Professionnel depuis plus de 15 ans, son terrain d'action est surtout situé en  Asie et en Afrique. Il a reçu deux fois le  World Press Photo Awards, ainsi que le Sony World Photo Awards et the British Journal of Photography, parmi d'autres… 

Giles Dalose le 23/02/18
Le Gange de Giulio Di Sturco

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Plus sur son travail ici et là 

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