Refuge Solidaire à Briançon : nos montagnes ne deviendront pas des cimetières !
Raconter c'est résister. Et je me dis qu'on ne racontera jamais assez, puisqu'à leur tour les Alpes risquent de devenir un cimetière d'exilés. Alors j'ai écouté les paroles de Bastien, l'un des sept condamnés de Briançon. Avant-hier, il racontait à la radio ce procès qu'on leur a fait, et j'ai noté ses dernières phrases : «Ça va vers un durcissement de la répression, une augmentation de la ségrégation des personnes en exil. On est passé à l'étape suivante. Pour nous, c'est clairement le choix de la mort que l'Etat a fait, plutôt que celui de la solidarité.»
Le choix de la mort et d'une police autorisée à tuer. Manifestants éborgnés et défigurés quand ce ne sont pas leurs mains que les grenades arrachent en explosant dans la foule. Et dans les Alpes, l'an dernier, la chasse aux exilés qui amena la mort de Blessing Mathew, jeune nigériane qui s'est noyée dans la Durance, puis la mort d'épuisement d’un jeune exilé sans papiers, retrouvé dans un bois proche du hameau des Alberts, sur la commune de Montgenèvre, et la mort de Mohamed Fofana, venu de Guinée Conakry pour mourir dans la neige d'un vallon de Bardonecchia, du côté italien de la frontière. J'écris leurs noms pour empêcher qu'on les oublie. «On a l'impression que l'Etat penche clairement du côté des fascistes», dit Bastien à la radio. Et malheureusement on ne va pas le contredire. En Europe, l'habitude est prise qu'en exil on puisse trouver la mort en voulant traverser la frontière.
Mais raconter c'est résister et il faut raconter. Ce que font deux jeunes femmes des environs de Briançon, en réalisant depuis des mois «Déplacer les montagnes», un long métrage documentaire pour raconter à plusieurs voix l'aventure de l'exil et de l'hospitalité dans les vallées autour de Briançon.
« Dans nos montagnes, disent-elles, là où nous voyons des chemins et des passages, nous avons vu une frontière et des barrières se dessiner, de la violence contre les exilés, des drames et aussi des élans de solidarité. A l'image des marins, les montagnards ont décidé de porter secours.... et de sauver un peu de notre humanité.»
« Nous avons eu envie de raconter et faire raconter comment une ville et des vallées faisaient vivre l'hospitalité. Nous voulions partager les rencontres que nous faisions, les questions qu'elles soulevaient. L'histoire de ces solidarités continue de s'écrire au jour le jour... mais notre tournage est terminé et nous sommes presque au bout de notre montage. Notre film raconte le début de cette histoire-là. Celle de portes qui s'ouvrent aux exilés.
Il parle aussi de l'espoir tenace et immense des exilés qui se sont mis en route.» Les précédents documentaires d'Isabelle Mahenc parlent déjà d'humanité partagée en montagne, mais pour réaliser ce dernier film, elle s'est alliée à Laetitia Cuvelier qui est aussi écrivain et a publié deux livres chez Cheyne Éditeur.
Sur Vimeo ( https://vimeo.com/303741182 ), on peut voir un extrait de leur film, qui veut raconter les solidarités qui s'organisent dans leurs montagnes, à l'opposé du choix de la mort qu'a opéré l'Etat français. Et c'est une histoire importante, la seule qui vaille la peine d'être écrite et racontée. Autour du Refuge Solidaire qui s'est ouvert à Briançon en juillet 2017, autour du collectif «Tous Migrants» et des «Montagnards solidaires des Migrants».
Pourtant, la logique de mort continue et dans la nuit du 13 décembre, par moins quinze degrés, trois personnes ont été arrêtées par la police au cours d'une maraude à Briançon, alors qu’elles secouraient des mineurs exilés. Deux des maraudeurs ont été convoqués au commissariat le lendemain alors que le troisième était convoqué aujourd'hui, mercredi 19 décembre.
Malgré la répression de plus en plus acharnée, malgré la condamnation des sept de Briançon et face à la situation d’urgence en montagne, les maraudeurs ont annoncé qu’ils continueraient à porter secours aux exilés. Logique de la vie qui s'obstine face aux morts programmées par les services de l'Etat.
Nos montagnes ne deviendront pas un cimetière, dit-on partout à Briançon pendant que l'hiver s'installe et que la solidarité s'organise. On peut suivre leurs maraudes sur twitter par ici :
https://twitter.com/nos_pas . Et aider à produire Déplacer des montagnes, le long métrage d'Isabelle Mahenc et Laetitia Cuvelier par ici :
https://www.helloasso.com/…/un-the-dans-la-neige/collectes/…
Comité de soutien aux 3+4 de Briançon - Tous Migrants - Thé et Café pour les réfugiés - Un Thé dans la neige - #migrants #refuge #noborders#exilé.e.s #asile #clandestins #rétention #réfugiés #résistance
Tieri Briet, le 19 décembre 2018