Merci les sorcières, par Serge Quadruppani

Le cortège de tête serait-il en train de muter et dans sa splendide diversité, de donner un visage à l'opposition multiforme, fainéante, cynique et extrémiste dont nous avons tant besoin?

Photo Serge Quadruppani

Photo Serge Quadruppani

Une bonne mise en jambe: voilà comment résumer la journée du 12 septembre. Les sorcières du mouvement social avaient réussi leurs invocations, et on était nombreux dans toute la France contre l'ultime et radicale offensive patronale. La mise aux normes du pays n'est pas encore gagnée, la tête de clone qui le dirige couine déjà préventivement que ce pays est "inréformable" tout en préparant quelques thérapies de chocà la suite des ordonnances (dont l'état de siège permanent inscrit dans la loi). Il n'est pas sûr qu'il réussisse longtemps à garder "la sérénité" que ses portes-paroles du Monde affichent pour lui. A Paris, le cortège de tête s'était reconstitué comme une vieille et bonne habitude et faisait un bon tiers de la quarantaine de milliers de manifestants, les forains brandissaient trop de drapeaux tricolores au goût de beaucoup mais c'était sympa quand même, lesflics cgt sont restés dans leur coin et n'ont pas eu la mauvaise idée d'aller chercher des baffes à la tête du cortège, leurs collègues ont eu le minimum syndical de caillassage, une ou deux banques ont souffert. Après la manif, on s'est retrouvés à une centaine dans un parc au soleil pour comploter quelques vilains tours à jouer aux pignoufs DRH qui vont se réunir le 12 octobre autour de la "DRH de l'entreprise France", il y avait là des syndicalistes, des lycéens, des écrivains, des comédiens, des cinéastes, une ou deux chanteuses, des étudiants, des franges radicales diverses, ça promet, vous ne manquerez pas d'avoir très bientôt des nouvelles… Le cortège de tête serait-il en train de muter et dans sa splendide diversité, de donner un visage à l'opposition multiforme, fainéante, cynique et extrémiste dont nous avons tant besoin

Serge Quadruppani

Essayiste, traducteur et éditeur littéraire libertaire français, auteur de romans policiers et traducteur de la série des Commissaire Montalbano d'Andrea Camilleri, Serge Quadruppani tient un blog où il s'exprime sur l'actualité "en attendant que la fureur prolétarienne balaie le vieux monde" : Les contrées magnifiques