De l’incertitude d’avril à l’hiver : ce qui mérite vie, par Candice Nguyen
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_dans un coin de la pièce, un rai de lumière indifférent aux saisons cogne contre les tiroirs de la commode renversée_
matin brumeux, fin du jour hésitant
la lumière qui éclôt et décline dans le même mouvement te ramène des fragments par pans entiers
abrupts comme les falaises
enfouies tout au fond
de ton enfance
retrouvée
attente perdue
présent suspendu
quelque chose t’enveloppe de tous ses bras
te déborde
tu es à la fois brume, rai de lumière, éclaircie, bois
ce que tu te remémores rentre dans ton ventre — falaises, eau, forêts —
et devient toi
tu touches tes joues, ton front, tes paupières
longuement
souffles
vérifies que tu es bien en vie
ici
présent
la buée que provoque ton souffle comme un indice
ta main posée sur le rebord de la fenêtre,
le vent —
dimanche après-midi d’hiver ne cesse de trébucher sur lui-même_
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_heure creuse heure fugace
alors que le jour s’éteint
tout commence
les persistances rétiniennes de tes souvenirs
heure pleine heure bleue
lentement imperceptiblement
le ciel s’étire en dégradés clairs-obscurs
et s’enfonce dans le bleu noir de la nuit, le pourpre, le violet
toutes les demi-teintes intermédiaires
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les oiseaux marins se sont juchés sur les toits
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ils contemplent,
comme toi,
le jour qui se retire
les variations infimes de la lumière
les formes apparaître
dans le paysage en arrêt, tu perçois
l’étiolement des couleurs en ses bords
l’étirement du temps
dans ses replis,
la légère ondulation qui dure encore : tu t’y aménages un recoin, t’y installes
tu te mets à partager alors le souvenir
de quand le jour n’en finissait jamais,
jamais
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_tu te demandes : sans la tombée de la nuit, où et comment
trouver réconfort et abri ?
la dépouille des dernières croyances en suspens dans les cieux
attend que la brise marine se lève
ta question insiste
aux pieds de quels tremblements, sous quelle lueur acharnée,
le murmure de la mère peut-il encore trouver
écho
sans la tombée de la nuit
(ce qui mérite vie : les rêves au creux-même de l’hiver, les traversées de la côte par le train, le souvenir des jours polaires sans fin, et cetera)
Candice NGUYEN
Notre chroniqueuse de l'ailleurs Candice Nguyen a quitté Paris sur un coup de tête pour Marseille où elle vit et travaille depuis 2008 dans l’éditorial et la communication digitale. Partage son temps entre la mer, les routes et l’aide à la diffusion d’artistes, à travers notamment la revue de photographie et d’arts PLATEFORM Magazine et son journal en ligne. Elle est en charge des chroniques pour L'Autre Quotidien.