Ce qui ne marche pas, par Arnaud Maïsetti

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Le monde c’est ce qui marche,
le réel, c’est ce qui ne marche pas.
— Jacques Lacan

Image d’Amiens : la cathédrale posée sur la banque. Par la fenêtre de la chambre d’hôtel, télévision allumée sur les passations, les pouvoirs, les feuilles de route, les sur l’honneur je m’y engage, et autres c’est notre responsabilité – qui donnent tant envie de marcher le long du canal toute la nuit s’il le faut, et il le faut.

Image du soir : dans le train, le soir passe devant la journée épuisée et finalement passée, comme une couleur ; soir qui devient une image, pendant que sur l’écran, les lectures du temps à venir tâchent de donner forme au présent ; je travaillerai lentement - jusqu’à épuisement de la machine – sur l’incantation, les puissances à l’œuvre dans quelques corps sur scène dressés pour conjurer notre histoire – en dépit de l’histoire, ou pour cette raison même ?

Dans le ciel ce matin, l’état latent du monde, les contours de ce qu’on éprouve pour lui : de la peine, et de l’amertume ; travailler à ce que l’amertume ne soit jamais repli, plutôt appui – hier, au théâtre et ce soir encore ; pourquoi insister ? Peut-être pour ce que j’ai vu hier : que chaque corps porte en lui la fiction aberrante qui rend aberrant notre réel, et lance sur quelques heures, quelques mots, la féroce douceur de le refuser et de jeter sur nous d’autres possibles.

Le ciel ne passe pas sur nous, il traverse des soirs comme ceux-là, et des jours qui n’ont pas eu lieu.

Arnaud Maïsetti, le 18 mai 2017

Arnaud Maïsetti vit et écrit entre Paris et Marseille, où il enseigne le théâtre à l'université d'Aix-Marseille. Vous pouvez le retrouver sur son site Arnaud Maïsetti | CarnetsFacebook et Twitter @amaisetti.