"Soyez plus subversifs et moins timides", le vieil autonome italien Oreste Scalzone ne lâche rien et risque la prison

Si les réactions de la digos (police politique) confirment les mots prononcés par Oreste Scalzone samedi soir au terme de la manifestation en mémoire de l’assassinat de Francesco Lorusso*, le Procureur de la République entamera une procédure contre lui.

La phrase dans le collimateur de la magistrature est celle reportée par le quotidien « La Repubblica », qui aurait été prononcée au microphone sur l’estrade montée via Zamboni. « Soyez plus subversifs et moins timides, si la police attaque il est nécessaire de se défendre aussi avec des bouteilles » (cocktails…).

Un passage du discours de Scalzone plus explicite que d’autres, qui pour les enquêteurs ressemble à une incitation au crime. D’autant plus que celui qui l’a prononcée n’était pas un gamin parmi les centaines qui ont participé à la manif, mais un vieux leader de Potere Operaio. Un contestataire de la première heure reconnu pour son charisme (invité des Collectifs dans le quarantième anniversaire de la mort de l’étudiant de Lotta Continua tué par un coup de feu tiré par un carabinier lors des affrontement de 1977).

Comme esquissé, c’est à la fin de la manifestation que Scalzone a invité les étudiants à se faire plus durs. « Nous ne cherchons pas la facilité, nous venons ici car c’est maintenant le moment de lutter. Je ne crois pas que le rêve d’un monde régi par la gentillesse soit à portée de main. Si aujourd’hui la police avait attaqué, nous aurions dû nous défendre, y compris avec des bouteilles (des cocktails). Je pense que cela fait partie de la vie, et aussi que c’est nécessaire. Je crois que nous devrions faire un effort pour devenir plus subversifs, plus radicaux. Je n’ai jamais joué à l’innocent ».

Sur le bureau des magistrats se trouve une copie de l’article dans lequel la phrase est reportée. On attend maintenant les vérifications de la part des forces de l’ordre présentes à la manifestation. En ce moment on travaille à la transcription des enregistrements et l’on rédige les rapports que les hommes de la police politique sont en train de préparer sur la journée de samedi (sic). Quant tout sera enfin posé noir sur blanc, le dossier arrivera dans les bureaux au deuxième étage de la via Garibaldi, où l’on décidera s’il faudra donner une issue judiciaire, et laquelle, vis à vis du "vieux", méchant, maître à penser.

Le substitut procureur Valter Giovannini, responsable du groupe «Sécurité», n’en dit pas trop : « S’ils ont vraiment été prononcés, ces mots se commentent tout seuls, je n’ai rien à y rajouter ». Pas de commentaire, donc, mais il est clair que dans un climat tendu comme celui qu’on a constaté ces derniers mois dans la ville de Bologne, la phrase n’est pas restée inaperçue.

Des sources proches de l’enquête ne nient pas que l’on travaille sur la présence de vieux militants du mouvement de 1977 à la manifestation de samedi dernier. Il est clair que les forces de police sont en ce moment engagées dans une surveillance continuelle centrée sur les collectifs et groupes de la galaxie autonome. En ce sens, le feu ne manque pas de bois à brûler. Il suffit de rappeler l’histoire de la bibliothèque de la faculté de lettres, la question de l’Xm24, les expulsions quasi quotidiennes. Des faits qui font la paire avec les rendez-vous nationaux et internationaux des prochains mois. Notamment celui de Bologne, où se tiendra le G7 de l’environnement. Autant de chapitres ouverts, et des « occasions » pour qu'explosent de nouveau les contestations les plus dures.

Giuseppe Baldessaro, La Repubblica, le 13 mars 2017
Traduction Cesare Piccolo

* Francesco Lorusso est un militant italien de Lotta Continua tué à coups d'arme à feu par la police dans une manifestation à Bologne, le 11 mars 1977.

foto Michele Lapini

foto Michele Lapini