Short-Cuts 33, par Nina Rendulic
au bout de chaque semaine, ce(ux) que je retiens dans la réalité subjective du monde qui nous entoure
krajem svakog tjedna, ko/čega se sjećam u subjektivnoj stvarnosti svijeta oko nas
semaine du 5 / 9 / 16
Deux femmes. Grand écart : d’âge, de langue, d’étoiles. La plus jeune pose des questions. Elle joue avec ses cheveux. Nerveuse. L’autre l'appréhende comme si elle découvrait un objet de grande valeur et très fragile. Ses réponses sont lentes. Le silence porte le sens des mots. Fumée des cigarettes. Elles se connaissent depuis peu et toute leur vie. Danse des ombres sur la nappe vichy rouge. Une après-midi d’été. Cigales, par la fenêtre, au loin.
Tout est inventé.
Et pourtant.
Ceci n’est pas du théâtre mais le domptage de l’interview.
"Have you seen? - Have not will travel"
- La forêt te change. Tu entres dans la forêt tu ne penses pas la forêt la forêt te change. Tu en sors autre.
- Oui… Et la forêt change. Les influences. Les images des images des mystères. Tout est lié. Tu n’en sors pas indemne. La forêt non plus.
- (elle note : "brûler ce qu’on a adoré") Et ton réel ?
- Je le porte. Je le transgresse. Les catégories. Les associations. Les tournesols. Se mouvoir, s’émouvoir en dansant, par exemple. J’ai toujours vécu les corps en mouvement. Le mouvement n’éloignera pas l’ombre du doute. Mais… le mouvement pose le regard apaisé sur le réel. Tu existes. C’est très simple.
- Car autrement…tu n’existes pas ? (elle regarde ses mains. ses doigts sont des branches nues de vieux arbres)
- Autrement, tu te noies. Si tu ne bouges pas. Comme des mouches dans du lait.
"The light, sometimes is washes over me"
- Et avant…?
- Il y a eu cet atelier de couture. Au fond d’un couloir. Des ombres : mes parents, et les autres. Tout est lié, tu vois. Puis, ailleurs, j’avais un chat. C’était un bon chasseur. J’avais des masques amérindiens. De très grands masques. Précieux. Pour la mémoire. J’avais un jardin sauvage. Une grande baie vitrée. Au bord de l’eau. Une table de boucher. J’avais un dressing, aussi, à l’étage. Comme avant. Comme dans cet atelier de couture. Puis je suis partie.
- Tu regrettes ?
- Non.
"Was I wrong? I don't know don't answer"
- Et après… ? Tu n’as pas peur ?
- Si. De quand la musique se terminera. Je joue…comme si elle était sans fin.
- Instantanéité…
- Oui. C’est marqué dans les étoiles.
Elles se sourient par des yeux. Un chien traverse la pièce. Bientôt elles partiront. De nouveaux visages. Langues. Bruits. Saveurs. Villes. Mais la cadence de base a changé.
La lune se montre à l’horizon. Un cercle complet.
Nina Rendulic
Nina Rendulic est née à Zagreb en 1985. Aujourd'hui elle habite à 100 km au sud-ouest de Paris. Elle aime les chats et la photographie argentique. Elle vient tout juste de terminer une thèse en linguistique française sur le discours direct et indirect, le monologue intérieur et la "mise en scène de la vie quotidienne" dans les rencontres amicales et les dîners en famille. Vous pouvez la retrouver sur son site : ... & je me dis